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voir soumis votre proposition à l’épreuve dont nous parlions tout à l’heure.

— Quelle épreuve ?

— Tétrik, j’ai laissé dormir… ou plutôt j’ai dormi avec vos offres, faites-les moi de nouveau… Peut-être alors ce qui m’avait blessée… ne me blessera plus… peut-être ce qui ne m’avait pas choquée me choquera-t-il…

— Victoria, vous, si sérieuse, plaisanter en un pareil moment !…

— Celle-là qui, avant d’avoir à pleurer son père et son époux, son fils et son petit-fils, souriait rarement… celle-là ne choisit pas le temps d’un deuil éternel pour plaisanter… croyez-moi, Tétrik…

— Cependant…

— Je vous le répète, vos propositions d’hier m’ont paru si extraordinaires… elles ont soulevé dans mon esprit tant d’indécision, tant d’étranges pensées, qu’au lieu de me prononcer sous le coup de ma première impression… je veux tout oublier et vous entendre encore, comme si pour la première fois vous me parliez de ces choses.

— Victoria, votre haute raison, votre esprit d’une décision toujours si prompte, si sûre, ne m’avaient pas habitué, je l’avoue, à ces tempéraments.

— C’est que jamais, dans ma vie, déjà longue, je n’ai eu à me décider sur des questions de cette gravité.

— De grâce, rappelez-vous qu’hier…

— Je ne veux rien me rappeler… Pour moi, notre entretien d’hier n’a pas eu lieu… Il est minuit, Mora vient d’aller vous quérir à la porte du jardin ; elle vous a introduit près de moi : vous parlez, je vous écoute…

— Victoria…

— Prenez garde… si vous me refusez, je vous répondrai peut-être selon ma première impression d’hier… et, vous le savez, Tétrik, lorsque je me prononce… c’est toujours d’une manière irrévocable…

— Votre première impression m’est donc défavorable ? — s’écria-t-il