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fut frappée de l’expression douloureuse de la physionomie de ma femme et de l’embarras de Victorin, qui sortit aussitôt.

— Qu’as-tu, Ellèn ? — lui dit Sampso.

— Ma sœur, je t’en conjure, désormais ne me laisse pas seule avec le fils de Victoria…

— Quelle est la cause de ton trouble ?

— Fassent les dieux que je me sois trompée ; mais à certains demi-mots de Victorin, à l’expression de son regard, j’ai cru deviner qu’il ressent pour moi un coupable amour… et pourtant il sait ma tendresse, mon dévouement pour Scanvoch !

— Ma sœur, — reprit Sampso, — les excès de Victorin m’ont toujours révoltée ; mais depuis quelque temps il semble s’amender. Le sacrifice de ses goûts désordonnés lui coûte sans doute beaucoup, car chacun, tout en louant le changement de conduite du jeune général, remarque sa profonde tristesse… Je ne peux donc le croire capable de songer à déshonorer ton mari, lui qui aime Victorin comme son fils, lui qui à la guerre lui a sauvé la vie… Tu es dans l’erreur, Ellèn… non, une pareille indignité est impossible…

— Puisses-tu dire vrai, Sampso ; Mais, je t’en conjure, si Victorin revient à la maison, ne me laisse pas seule avec lui, et quoi qu’il en soit, je veux tout dire à Scanvoch.

— Prends garde, Ellèn… Si, comme je le crois, tu te trompes, c’est jeter un soupçon affreux dans l’esprit de ton mari ; tu sais son attachement pour Victoria et pour son fils, juge du désespoir de Scanvoch à une telle révélation… Ellèn, suis mon conseil, reçois une fois encore Victorin seul à seul, et si tu acquiers la certitude de ce que tu redoutes, alors n’hésite plus… Révèle tout à Scanvoch, car s’il est imprudent à toi d’éveiller dans son esprit des soupçons peut-être mal fondés, tu dois démasquer un infâme hypocrite, lorsque tu n’as plus de doute sur ses projets.

Ellèn promit à sa sœur d’écouter ses avis ; mais de ce jour Victorin ne revint plus… Je n’ai connu ces détails que plus tard. Ceci