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Gaulois, de plus en plus éclairés par nos druides vénérés, ont sagement préféré choisir librement le chef qu’ils croyaient le plus digne de les gouverner ; ils se sont ainsi constitués en république. Mon petit-fils est un enfant au berceau ; nul ne sait s’il aura un jour les qualités nécessaires au gouvernement d’un grand peuple comme le nôtre. Reconnaître aujourd’hui cet enfant comme héritier du pouvoir de son père, ce serait rétablir une sorte de royauté. Or, ainsi que Ritha-Gaür, je hais les royautés. »

Tétrik, espérant vaincre par sa persistance la résolution de la mère des camps, restait dans la ville (j’ai du moins longtemps cru que tel était le seul but de son séjour à Mayence), et s’étonnait non moins que nous de la transformation du caractère de Victorin. Celui-ci, quoique plongé dans une morne tristesse, s’était toujours montré affectueux pour moi ; plusieurs fois même je le vis sur le point de m’ouvrir son cœur et de me confier ce qu’il cachait à tous ; craignant sans doute mes reproches, il retint ses aveux. Plus tard, ne venant plus chez moi, comme par le passé, il évita même les occasions de me rencontrer ; ses traits, naguère si beaux, si ouverts, n’étaient plus reconnaissables ; pâlis par la souffrance, creusés par les excès de l’ivresse solitaire à laquelle il se livrait, leur expression semblait de plus en plus sinistre ; parfois une sorte d’égarement se trahissait dans la sombre fixité de son regard.

Environ cinq semaines après la grande victoire du Rhin, Victorin redevint assidu chez moi ; seulement il choisit pour ses visites à ma femme et à Sampso les heures où d’habitude j’allais chez Victoria pour écrire les lettres qu’elle me dictait. Ellèn accueillit le fils de ma sœur de lait avec son affabilité accoutumée. Je crus d’abord que, regrettant de s’être éloigné de moi sans motif et par caprice, il cherchait à amener entre nous un rapprochement par l’intermédiaire de ma femme ; car, malgré sa persistance à éviter ma rencontre, il ne parlait de moi à Ellèn qu’avec affection. Sampso assistait aux entretiens de sa sœur et de Victorin. Une seule fois elle les laissa seuls ; en rentrant, elle