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mon armure, dont l’éclat réjouissait tes yeux. L’heure me pressait, je t’embrassai tendrement, ainsi que ta mère et ta sœur ; puis j’allai seller mon cheval, mon brave et vigoureux Tom-Bras, à qui j’avais donné ce nom, en commémoration de notre aïeul Joel, qui appelait aussi Tom-Bras le fougueux étalon qu’il montait à la bataille de Vannes. Sampso et ta mère, qui te tenait entre ses bras, m’accompagnèrent jusqu’à l’écurie ; ta tante m’aidait à brider ma monture, et caressant sa nerveuse encolure, elle disait :

Tom-Bras, ne laisse pas ton maître en péril, sauve-le par la vitesse, et au besoin défends-le comme ce vaillant Tom-Bras des temps passés, qui, monté par le brenn de la tribu de Karnak, attaquait les Romains à coups de pied et à coups de dents.

— Chère Sampso, — ai-je repris en riant et en montant en selle, — ne donnez pas ainsi de mauvais conseils à Tom-Bras en l’engageant à me sauver par sa vitesse. Le bon cheval de guerre est rapide dans la poursuite, lent dans la fuite… Quant à jouer des dents et des sabots, il s’en acquitte au mieux, témoin ce cheval frank, ma capture, qu’il a mis, vous le savez, presque en lambeaux dans cette écurie… Tom-Bras est comme son maître, il abhorre la race franque… Adieu, mon Ellèn bien-aimée !… adieu, mon petit Aëlguen !…

Après un dernier regard jeté sur ta mère, qui te tenait entre ses bras, je partis au galop, afin de rejoindre Victoria sur le champ d’exercice où l’armée devait être réunie.

Le bruit lointain des clairons, les hennissements des chevaux auxquels il répondait, animèrent Tom-Bras ; il bondissait avec vigueur… Je le calmai de la voix, je le caressai de la main, afin de l’assagir et de ménager ses forces pour cette rude journée. À peu de distance du camp d’exercice, j’ai vu à cent pas devant moi Victoria, escortée de quelques cavaliers. Je l’eus bientôt rejointe… Tétrik, monté sur une petite haquenée, se tenait à la gauche de la mère des camps, elle avait à sa droite un barde druide, nommé Rolla, qu’elle affectionnait