Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.

y avait grand feu au camp des Franks ; ces gens hospitaliers m’ont engagé à m’approcher du brasier ; la soirée était fraîche, et je me suis placé un peu trop près du foyer.

– L’annonce du combat te rend joyeux, mon Scanvoch, — reprit ma femme, — c’est ton habitude, je le sais depuis longtemps.

– Et l’annonce du combat ne t’attriste pas, mon Ellèn, parce que tu as le cœur ferme.

– Je puise ma fermeté dans la foi de nos pères, mon Scanvoch ; elle m’a enseigné que nous allons revivre ailleurs avec ceux-là que nous avons aimés dans ce monde-ci, — me répondit doucement Ellèn, en m’aidant, ainsi que Sampso, à boucler ma cuirasse. — Voilà pourquoi je pratique cette maxime de nos mères : « La Gauloise ne pâlit jamais lorsque son vaillant époux part pour le combat, et elle rougit de bonheur à son retour. » S’il ne revient plus, elle songe avec fierté qu’il est mort en brave, et chaque soir elle se dit : Encore un jour d’écoulé, encore un pas de fait vers ces mondes inconnus où l’on va retrouver ceux qui nous ont été chers !

– Ne parlons pas d’absence, mais de retour, — dit Sampso en me présentant mon casque si soigneusement fourbi de ses mains, qu’elle aurait pu mirer dans l’acier sa douce figure ; — vous avez été jusqu’ici heureux à la guerre, Scanvoch, le bonheur vous suivra, vous nous le ramènerez avec vous.

– J’en crois votre assurance, chère Sampso… Je pars, heureux de votre affection de cœur et de l’amour d’Ellèn ; heureux je reviendrai surtout si j’ai pu marquer de nouveau à la face certain roi de ces écorcheurs franks, en reconnaissance de sa loyale hospitalité d’hier envers moi ; mais me voici armé… Un baiser à mon petit Aëlguen, et à cheval !…

Au moment où je me dirigeais vers la chambre de ma femme, Sampso m’arrêtant :

– Mon frère… et cette étrangère ?

– Vous avez raison, Sampso, je l’oubliais.