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en ce moment surtout une pareille alliance nous est d’un grand secours… Vous avez, comme d’habitude, vu juste et loin…

– Quand on a de bons yeux, il faut tâcher de s’en servir de son mieux, — répondit avec bonhomie le capitaine ; — aussi ai-je dit à mon ami Eustache…

– Quel ami ? — demanda Victoria ; — de qui parlez-vous, capitaine ?

– D’un soldat… mon ancien camarade d’enclume : je l’avais emmené avec moi dans le voyage d’où j’arrive ; or, au lieu de ruminer en moi-même mes petits projets, je les dis tout haut à mon ami Eustache ; il est discret, point sot du tout, bourru en diable, et souvent il me grommelle des observations dont je profite.

– Je sais votre amitié pour ce soldat, — reprit Victoria, — elle vous honore.

– C’est chose simple que d’aimer un vieil ami ; je lui ai donc dit : Vois-tu, Eustache, un jour ou l’autre ces écorcheurs franks tenteront une attaque décisive contre nous ; ils laisseront, pour assurer leur retraite, une réserve à la garde de leur camp et de leurs chariots de guerre ; cette réserve ne sera pas un bien gros morceau à avaler pour nos tribus alliées, renforcées d’une bonne légion d’élite commandée par un de nos capitaines… de sorte que si ces écorcheurs sont battus de ce côté-ci du Rhin, toute retraite leur sera coupée sur l’autre rive. Ce que je prévoyais arrive aujourd’hui ; les Franks nous attaquent, il faudrait donc, je crois, envoyer sur l’heure aux tribus alliées quelques troupes d’élite, commandées par un capitaine énergique, prudent et avisé.

– Ce capitaine… ce sera vous, Marion, — dit Victoria.

– Moi, soit… Je connais le pays… mon projet est fort simple… Pendant que les Franks viennent nous attaquer, je traverse le Rhin, afin de brûler leur camp, leurs chariots et d’exterminer leur réserve… Que Victorin les batte sur notre rive, ils voudront repasser le fleuve et me trouveront sur l’autre bord avec mon ami Eustache, prêt à