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que l’on avait frappé plusieurs médailles où il figurait sous les traits du dieu Mars, à côté de sa mère, coiffée d’un casque ainsi que la Minerve antique ; Victorin aurait pu en effet servir de modèle à une statue du dieu de la guerre. Grand, svelte, robuste, sa tournure, à la fois élégante et martiale, plaisait à tous les yeux ; ses traits, d’une beauté rare comme ceux de sa mère, en différaient par une expression joyeuse et hardie. La franchise, la générosité de son caractère, se lisaient sur son visage ; malgré soi, l’on oubliait en le voyant les défauts qui déparaient ce vaillant naturel, trop vivace, trop fougueux pour refréner les entraînements de l’âge. Victorin venait sans doute de passer une nuit de plaisir, pourtant sa figure était aussi reposée que s’il fût sorti de son lit. Un chaperon de feutre, orné d’une aigrette, couvrait à demi ses cheveux noirs, bouclés autour de son mâle et brun visage, à demi ombragé d’une légère barbe brune ; sa saie gauloise, d’étoffe de soie rayée de pourpre et de blanc, était serrée à sa taille par un ceinturon de cuir brodé d’argent, où pendait son épée à poignée d’or curieusement ciselée, véritable chef-d’œuvre de l’orfèvrerie d’Autun. Victorin en entrant chez sa mère, suivi du capitaine Marion, alla droit à Victoria avec un mélange de tendresse et de respect ; il mit un genou à terre, prit une de ses mains qu’il baisa, puis, ôtant son chaperon, il tendit son front en disant :

– Salut, ma mère !…

Il y avait un charme si touchant, dans l’attitude, dans l’expression des traits du jeune général, ainsi agenouillé devant sa mère, que je la vis hésiter un instant entre le désir d’embrasser ce fils qu’elle adorait et la volonté de lui témoigner son mécontentement ; aussi, repoussant légèrement de la main le front de Victorin, elle lui dit d’une voix grave, en lui montrant le berceau placé à côté d’elle :

– Embrassez votre fils… vous ne l’avez pas vu depuis hier matin…

Le jeune général comprit ce reproche indirect, se releva tristement, s’approcha du berceau, prit l’enfant entre ses bras, et l’em-