Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/161

Cette page a été validée par deux contributeurs.

si la paix s’affermissait enfin dans notre pays, il vaudrait mieux que son chef, au lieu d’être toujours enclin à batailler, songeât à guérir les maux des guerres passées ; souvent elle vous a cité comme l’un de ces hommes qui préfèrent sagement la paix à la guerre.

– Je pense, il est vrai, que l’épée, bonne pour détruire, est impuissante à reconstruire, — reprit Victoria ; — et, la liberté de la Gaule affermie, je voudrais que mon fils songeât plus à la paix qu’à la guerre… Aussi t’ai-je engagé, Scanvoch, à tenter une dernière démarche auprès des chefs franks en t’envoyant près d’eux.

– Permettez–moi de vous interrompre, Victoria, — reprit Tétrik, — et de demander à notre ami Scanvoch s’il n’a pas d’autre accusation à porter contre moi…

– Je t’accuse d’être, ou l’agent secret de l’empereur romain, Galien, ou l’agent du chef de la nouvelle religion.

– Moi ! — s’écria le gouverneur, — moi, l’agent des chrétiens !…

– J’ai dit l’agent du chef de la nouvelle religion… Je veux parler de l’évêque qui siège à Rome.

– Moi, l’agent d’Étienne, évêque de Rome ? le quatorzième pape de la nouvelle Église ? de ce papa dont Firmilien, évêque de Césarée, écrivait ceci à Cyprien, chef du concile d’Espagne, composé de vingt-huit évêques : « Pourrait-on croire que cet homme (le pape Étienne) ait une âme et un corps ? apparemment le corps est bien mal conduit, et cette âme est déréglée ; Étienne ne craint pas de traiter son frère Cyprien de faux Christ, de faux apôtre, d’ouvrier frauduleux, et pour ne pas l’entendre dire de lui-même, il a l’audace de le reprocher aux autres (C). » Moi, l’agent de cet ambitieux et violent pontife !…

– Oui… à moins que, trompant à la fois et l’empereur romain et le pape de Rome, vous ne les serviez tous deux, quitte à sacrifier l’un ou l’autre, selon les nécessités de votre ambition.

– Que je serve les Romains, passe encore, Scanvoch, — répondit Tétrik avec son inaltérable placidité ; — votre soupçon, si cruel