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– Et voilà celle qui m’a sauvé de la mort, — dis-je à ma femme en lui montrant Elwig, toujours immobile. — Je vous demande à toutes deux vos soins pour elle jusqu’à demain… Je la conduirai chez Victoria.

En apprenant que je devais la vie à cette étrangère, ma femme et sa sœur allèrent vivement à elle dans l’expansion de leur reconnaissance ; mais presque aussitôt elles s’arrêtèrent, intimidées, effrayées par la sinistre et impassible physionomie d’Elwig, qui semblait ne pas les apercevoir et dont l’esprit devait être ailleurs.

– Donnez-lui seulement quelques vêtements secs, les siens sont trempés d’eau, — dis-je à ma femme et à sa sœur. — Elle ne comprend pas le gaulois, vos remercîments seraient inutiles.

– Si elle ne t’avait sauvé la vie, — me dit Ellèn, — je trouverais à cette femme l’air sombre et menaçant.

– Elle est sauvage comme ses sauvages compatriotes… Lorsque vous lui aurez donné des vêtements, je la conduirai dans la petite chambre basse, où je l’enfermerai pour plus de prudence.

Sampso étant allée chercher une tunique et une mante pour Elwig, je dis à ma femme :

– Cette nuit… peu de temps avant mon retour… tu n’as entendu aucun bruit à la fenêtre de ta chambre ?

– Aucun… ni Sampso non plus, car elle ne m’a pas quittée de la soirée, tant nous étions inquiètes de la durée de ton absence… Mais pourquoi me fais-tu cette question ?

Je ne répondis pas tout d’abord à ma femme, car, voyant sa sœur revenir avec des vêtements, je dis à Elwig en les lui remettant :

– Voici des habits que ma femme et sa sœur t’offrent pour remplacer les tiens qui sont mouillés… As-tu besoin d’autre chose ?… As-tu faim ?… as-tu soif ?… Enfin, que veux-tu ?

– Je veux la solitude, — me répondit Elwig en repoussant les vêtements du geste, — je veux la nuit noire…

– Suis-moi donc, lui dis-je.