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Le trouble jeté au milieu des Franks par le coup que j’avais porté à Néroweg les empêcha d’abord de s’opposer au dessein d’Elwig et des deux vieilles ; plusieurs chefs même se joignirent à elles pour me pousser dans la caverne, tandis que d’autres s’empressaient autour de l’Aigle terrible, étendu à terre, pâle, inanimé, le front sanglant.

– Notre grand chef n’est pas mort, — disaient les uns ; — ses mains sont chaudes et son cœur bat.

– Il faut le transporter dans sa hutte.

– S’il meurt, nous tirerons au sort ses cinq chevaux noirs et sa belle épée gauloise à poignée d’or.

– Les chevaux et les armes de Néroweg appartiennent au plus ancien chef après lui ! — s’écria l’un de ceux qui soutenaient l’Aigle terrible. — Et ce chef, c’est moi… À moi donc les chevaux et les armes !…

– Tu mens !… — dit celui qui soutenait Néroweg de l’autre côté. — Ses chevaux et ses armes m’appartiennent ; je suis son plus ancien compagnon de guerre ; il m’a dit : Si je meurs, mes armes et mes chevaux seront à toi.

– Non ! — crièrent les autres chefs, — non ! tout ce qui vient de Néroweg doit être tiré au sort entre nous.

Du seuil de la caverne, où j’entrais alors, je vis la dispute s’animer ; les épées brillèrent et se croisèrent au milieu d’un bruyant tumulte, pendant que Néroweg, toujours inanimé, était abandonné et foulé aux pieds pendant cette lutte ; elle allait devenir sanglante, lorsque Elwig, me laissant aux abords de son repaire, s’élança parmi les combattants, qu’elle s’efforça de séparer, en criant d’une voix éclatante :

– Honte et malheur aux lâches qui se disputent les dépouilles celui qui n’est ni mort ni vengé !… Honte et malheur aux lâches qui se disputent les dépouilles du frère devant sa sœur !… Honte et malheur aux impies qui troublent le repos des lieux consacrés aux dieux infernaux !…