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que sur son compagnon, le seigneur Grémion, qui, au nom du fisc romain, glanait là où Hérode avait moissonné.

Aussi, pendant que Jeane, Aurélie et l’esclave Geneviève traversaient péniblement le rassemblement pour arriver jusqu’aux deux cavaliers, des huées éclatèrent de toutes parts contre les seigneurs Chusa et Grémion, et ils durent entendre en frémissant de colère des paroles telles que celles-ci, écho affaibli des anathèmes du jeune maître contre les méchants :

— Malheur à toi, intendant d’Hérode ! qui nous écrases d’impôts et dévores la maison de la veuve et de l’orphelin !

— Malheur à toi, Romain ! qui viens aussi prendre part à nos dépouilles ?…

Banaïas, agitant d’une main son coutelas d’un air menaçant et farouche, s’approcha des deux seigneurs, et, leur montrant le poing, s’écria :

— Le renard est lâche et cruel ! mais il a appelé à lui son ami le loup dont les dents sont plus longues et la force plus grande !… Le renard lâche et cruel, c’est ton maître Hérode, seigneur Chusa ! et le loup féroce, c’est Tibère, ton maître, à toi, Romain, qui vient aider le renard à la curée !…

Et comme le seigneur Chusa, pâle de rage, faisait mine de tirer son épée pour frapper Banaïas, celui-ci leva son coutelas et s’écria :

— Par le ventre de Goliath ! je te coupe en deux comme une pastèque si tu mets la main à ton épée !

Les deux seigneurs, n’ayant pour escorte que cinq ou six cavaliers, se continrent, de peur d’être lapidés par ce peuple irrité, et tâchèrent de sortir de ce rassemblement qui, de plus en plus courroucé, s’écriait :

— Oui, malheur à vous ! gens du fisc d’Hérode et de Tibère ! malheur à vous ! car nous avons faim ; et le pain trempé de nos sueurs que nous portons à nos lèvres, vous nous l’arrachez des mains au nom de l’impôt !