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armés de longs tridents sortant rouges de la fournaise. Les animaux, fatigués, repus, habitués à la voix des bestiaires, et surtout effrayés des piqûres des tridents, furent poussés sous la voûte dans les trois couloirs correspondant à leurs cages ; puis, au moyen d’une roue tournée par les servants du cirque, les grilles remontèrent de leur rainure souterraine ; la voûte fut close, le plancher mobile replacé sur le bassin du crocodile. Les flambeaux tout-à-fait éteints, les bestiaires quittèrent précipitamment l’arène en se disant d’une voix basse et effrayée :

— Voici l’heure des magiciennes !…

Et le plus profond silence régna dans les ténèbres de l’immense amphithéâtre.

Sauvé de la mort par un hasard miraculeux, car, si les cris de Diavole et de ses amis expirants par le poison n’avaient pas distrait tous les regards de l’arène, il lui eût été impossible, quoique à demi-caché par l’éléphant, de gagner sans être aperçu la niche où il s’était tenu blotti… Sylvest, ainsi sauvé miraculeusement de la mort, remercia Hésus… et comme si les dieux lui étaient cette nuit-là secourables, il se souvint que sa femme Loyse, lors de leur dernière entrevue, lui avait promis de venir l’attendre, à quatre jours de là, dans le parc de Faustine, le soir, à l’extrémité du canal… Il se souvint aussi de ces dernières paroles de Faustine à Mont-Liban, tandis qu’elle emportait Siomara évanouie dans ses bras :

— Mont-Liban, je t’attends au temple du canal.

Un sinistre pressentiment disait à l’esclave que la grande dame, tenant Siomara en son pouvoir, et peut-être vivante encore, devait lui faire subir toutes les tortures qu’une femme dépravée, jalouse et féroce, pouvait imaginer en haine d’une rivale… Sans doute le temple du canal était le lieu de ces supplices… Sylvest résolut de gagner en hâte le parc de la villa de Faustine… L’oreille au guet, il sortit enfin de sa cachette… Alors il éprouva d’étranges frayeurs… Comme il traversait l’arène, il entendit le vol de grands oiseaux de nuit qui, silen-