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marteaux sur ce casque comme sur une enclume, ils broyèrent tellement cette tête, que Sylvest vit jaillir, à travers les cassures de la visière, un mélange sans nom de chair, de sang, de cervelle et de petits morceaux d’ossements.

À cet horrible spectacle, qui couronnait cette boucherie, Sylvest ne put se contenir : d’une voix éclatante, il chanta ce refrain des bardes gaulois à la réunion nocturne des Enfants du Gui :

Oh !… coule… coule… sang du captif ! — Tombe, tombe, rosée sanglante !… — Germe, grandis, moisson vengeresse !…

Parmi les condamnés, Sylvest n’était pas le seul Enfant du Gui ; bientôt d’autres voix que la sienne répétèrent avec lui, à la sinistre cadence des chaînes secouées avec fureur :

Oh !… coule… coule… sang du captif ! — Tombe, tombe, rosée sanglante !… — Germe, grandis, moisson vengeresse !…

Ces chants de mort furent couverts par un grand tumulte ; l’arène était jonchée de cadavres et de mourants ; pas un des combattants n’était debout. Soudain on entendit crier par les hérauts :

— Les malades !… les médecins !…

Et aussitôt se précipitèrent dans le cirque un grand nombre de vieillards débiles, richement vêtus, les uns soutenus par des esclaves, d’autres s’appuyant sur des cannes. Il y avait aussi parmi ces malades des hommes mûrs et des jeunes gens ; tous s’agenouillèrent ou s’accroupirent auprès de ces mourants, et chaque malade, appliquant sa bouche avide aux blessures, pompa le sang encore tiède qui s’en échappait : les uns cherchaient dans ce sang le ravivement de leurs forces épuisées, les autres la guérison de l’épilepsie (J). Çà et là, des médecins, armés d’instruments tranchants, éventraient les morts encore chauds et en retiraient les foies (K), dont ils se servaient comme remèdes. Les médecins pourvus, les riches malades rassasiés de sang, les Plutons achevèrent à coups de marteau les esclaves encore survivants, et, aidés par les Mercures, ils emportèrent les cadavres,