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chez la courtisane. Son esprit se raffermissant dans la solitude du cachot, l’esclave se souvint de sa femme, et par la pensée lui adressa ses adieux, songeant, non sans regrets, il avoue cette faiblesse, que le soir même où il serait livré aux bêtes féroces, Loyse devait, ainsi qu’ils en étaient tous deux convenus lors de leur dernière entrevue, tenter de venir l’attendre à tout hasard dans le parc de Faustine. Il regrettait aussi de n’avoir pas, un mois auparavant, accepté l’offre de Loyse, qui lui proposait de fuir.

Pour certains esclaves domestiques, de fabrique ou de labour, la fuite était parfois possible ; mais il fallait se réfugier dans des solitudes profondes, loin de tous les lieux inhabités ; alors souvent l’on mourait par la faim. C’est à une pareille mort qu’il n’avait pas voulu exposer sa femme, déjà mère ; mais ce moment venu, où le seul espoir de Sylvest était d’être étranglé au premier coup de dent par un lion ou par un tigre de l’amphithéâtre, et d’échapper ainsi à une lente agonie, il regrettait de n’avoir pas voulu braver avec Loyse les redoutables chances d’une évasion. Sans le souvenir de sa femme, l’esclave aurait d’ailleurs attendu le jour de son supplice avec indifférence ; la Gaule asservie ne devait peut-être pas de sitôt briser ses fers par la révolte des Enfants du Gui ; et il serait allé rejoindre ses aïeux dans les mondes inconnus…

Cependant, une seule crainte faisait parfois frémir Sylvest, et alors il regardait avec angoisse la voûte épaisse et les dalles de pierre de son cachot : Siomara était magicienne, il redoutait à chaque instant de la voir lui apparaître, et d’être emporté par elle, grâce à la puissance de ses sortilèges. Enfin, un chagrin pesait sur le cœur de Sylvest : il avait, selon son usage, replacé dans la forte et épaisse ceinture de ses braies la petite faucille d’or et la clochette d’airain provenant d’Hêna et de son père Guilhern, ainsi que les minces rouleaux de peau tannée contenant les récits de sa famille. Se voyant inévitablement destiné à mourir, il pensait avec tristesse que ces pieuses reliques seraient bientôt dispersées sur le sable ensanglanté de l’arène,