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— Pour t’oublier, je m’enivre… Je me résignerais à tes mépris sans me plaindre, si chacun était rebuté comme moi… Mais enfin, ce vil esclave — et le gladiateur désigna Sylvest en se relevant — ce vil esclave est resté presque toute la nuit chez toi, Siomara… pour son compte ou pour celui de son maître… Aussi je n’ai pu vaincre mon courroux…

La sœur de Sylvest, ayant suivi du regard le geste de Mont-Liban, remarqua pour la première fois l’esclave, jusqu’alors toujours caché dans l’ombre et par l’épaisseur d’une des colonnes du vestibule.

— Quel est cet homme ? — dit-elle en s’avançant rapidement vers Sylvest ; puis, le prenant vivement par le bras, elle lui fit faire un pas, de sorte qu’il eut la figure entièrement éclairée par la lumière de la lampe. — Qui es-tu ? à qui appartiens-tu ? — ajouta-t-elle en le regardant fixement. — Que fais-tu là ?…

L’eunuque paraissait attendre avec crainte la réponse de Sylvest, tandis que lui ne trouvait pas une parole, s’efforçant d’oublier les mystères de cette nuit fatale ; il sentait sa tendresse fraternelle lutter contre l’épouvante que lui avait inspirée Siomara… Mais celle-ci, après avoir un instant contemplé l’esclave en silence, tressaillit, l’attira encore plus près de la lampe, et alors, l’examinant avec un redoublement d’attention et de curiosité, ses deux mains placées sur ses épaules… et ces mains, Sylvest les sentit légèrement trembler… Siomara lui dit :

— De quel pays es-tu ?

Sylvest hésita un moment encore ; il fut sur le point de répondre de manière à tromper sa sœur… Mais, en voyant si près de lui ce beau visage qui lui rappelait tant celui de sa mère… mais en sentant sur ses épaules ces mains si souvent enlacées dans les siennes au temps heureux de son enfance, il ne vit plus que sa sœur, qui reprit avec impatience :

— N’entends-tu donc pas la langue romaine ?… Je te demande de quel pays tu es ?…