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guillon, et souvent lui sillonnait le dos et les membres avec des lames ardentes rougies au feu (C), menus supplices, car l’évasion, le refus de travail, la révolte étaient punis de peine aussi atroces que variées commençant à la torture et finissant à la mort.

Sylvest, reconduit chez le seigneur Diavole, son maître, par les gens de Faustine, s’attendait à un rude châtiment. Absent pendant toute la nuit sans permission, il rentrait à une heure assez avancée de la matinée, manquant ainsi à tous ses devoirs domestiques, puisque Sylvest était valet. Cette servitude, moins dure peut-être, mais souvent plus cruelle que celle d’esclave artisan ou d’esclave de labour, il l’avait subie en suite de plusieurs événements qui suivirent l’horrible mort de son père Guilhern, dont il parlera plus tard. Oui, cette condition servile, il l’avait subie, lui, de race fière et libre, lui petit-fils du brenn de la tribu de Karnak, préférant même cet esclavage, parce qu’il savait qu’au grand jour de la justice et de la délivrance, les Gaulois de l’intérieur des villes et des maisons devaient puissamment aider à la révolte contre les Romains.

Réduit à la ruse jusqu’au moment où il pourrait utilement employer la force, Sylvest, comme tant d’autres de ses compagnons, cachait sa haine de l’oppression, son amour pour la liberté de son pays, sous un masque humble et riant ; car, avec Diavole, il avait toujours le mot pour rire, oui, il faisait le plaisant, le bon valet, l’effronté coquin ; il se réjouissait des odieux penchants de son maître cruel et pervers, voyant avec contentement cette dure et méchante âme se perdre en ce monde-ci, pour aller revivre de plus en plus malheureuse dans les autres mondes. Cela aidait Sylvest à attendre patiemment le grand jour de la vengeance.

(Ô mon fils !… toi pour qui j’écris ce récit, afin d’obéir aux ordres de mon père, comme il a obéi aux ordres du sien, tu excuseras ma lâche dissimulation… tu maudiras ceux qui m’y forçaient ; hélas ! le temps de briser nos fers et de combattre à ciel ouvert, comme nos aïeux, n’était pas encore venu ; et puis, mon enfant, si ferme-