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femmes ! — s’écria Faustine d’une voix pantelante ; — tu as prédit que la Siomara tomberait entre mes mains… serait à moi… toute à moi…

— Quand l’esprit s’est retiré, — répondit la sorcière en revenant à elle, — je ne me souviens plus de rien… Si j’ai prédit… ma prédiction s’accomplira…

— Et alors dix mille sous d’or pour toi !… Oh ! elle s’accomplira ; cette prédiction, je le sens à mon cœur embrasé d’amour et de vengeance, — dit Faustine.

Et de plus en plus effrayante de luxure, de haine, de férocité, les yeux étincelants, les narines frémissantes, ce monstre s’écria dans sa farouche ardeur :

— Le gladiateur pour amant !… ma rivale pour victime !… de l’amour et du sang !… Évoë… furies !… Évoë… Priape !… Évoë… Bacchus !… du vin, du vin !… Venez tous… qu’une même ronde nous enchaîne : toi, mon Hercule africain… vous, mes Adonis grecs… vous, mes nymphes lesbiennes !… Du vin pour tous… pour tous du vin… des fleurs… des parfums… des chants… toutes les ivresses… toutes… et que l’aube nous trouve épuisés, mais non pas assouvis (G) !

Et, d’un geste furieux, la noble dame arracha la résille d’or de sa coiffure, la résille d’or de son corsage ; sa noire chevelure, qu’elle secoua comme une lionne sa crinière, tomba sur son sein, sur ses épaules nues, et entoura ce pâle visage alors éclatant d’une épouvantable beauté. Elle vida d’un trait une large coupe d’or, donna le signal de l’orgie. Les coupes circulèrent, et bientôt, au bruit retentissant des lyres, des flûtes, des cymbales, affranchis et esclaves, entraînés par le vin, la corruption, la terreur et l’exemple de leur maîtresse infâme, commencèrent, au son des instruments et des chants obscènes, une danse sans nom… monstrueuse (H).

Sylvest, saisi d’un vertige d’horreur, et au risque d’être découvert et tué s’il rencontrait quelqu’un dans les jardins, quitta le rebord de l’entablement, se laissa glisser le long d’une des colonnes, toujours