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son prisonnier est le jésuite Morlet, qu’il connaît déjà d’ailleurs de réputation. Tu retiendras bien ce nom ?

— Parbleu ! le jésuite Morlet.

— Fais-moi ensuite le plaisir de dire à Jean Lebrenn, avant qu’il retourne à son poste, qu’un cavalier du troisième régiment de hussards voudrait l’entretenir un instant, et l’attend ici dans cette cour.

— C’est convenu, mon brave !… Ah ! double brigand de calottin, de jésuite !! Ça va drôlement lui river son vilain bec, quand on va lui dire : — Connu, mon homme… tu es le jésuite Morlet ! » — se disait en regagnant la maison commune le canonnier, tandis que Victoria, se promenant pensive dans la cour :

— Cher frère !… il a tenu sa promesse… Loin de profiter de l’exemption dont jouissent les citoyens mariés, il a voulu, sa fabrication d’armes terminée, rejoindre nos soldats. Sa digne femme l’aura vaillamment encouragé à ce dévouement civique. Enfin, je vais pouvoir dévoiler à Jean le mystère et le but de ma conduite à l’égard d’Olivier !

Jean Lebrenn, instruit par le canonnier Duchemin qu’un hussard du troisième régiment désirait l’entretenir, sortit de la maison commune, et, avisant à quelques pas du seuil de la porte, grâce à la demi-clarté de la nuit, un cavalier de l’arme désignée, il se dirigea vers lui, et dit à Victoria :

— Est-ce vous, camarade, qui m’avez fait appeler par un sous-officier de canonniers à cheval ?

— Oui, c’est moi, — répond Victoria faisant deux pas vers Jean Lebrenn. Celui-ci, d’abord immobile de stupeur en entendant une voix qu’il croit reconnaître, se rapproche vivement. Victoria, incapable de le laisser plus longtemps dans le doute, se jette entre les bras du volontaire, en lui disant d’une voix étouffée : — Mon frère ! cher et tendre frère !… pardonne-moi les angoisses que je t’ai causées !!

— Ah ! tout est oublié maintenant ! — murmure Jean Lebrenn pleurant de joie et étreignant sa sœur contre sa poitrine. — Enfin je te retrouve !… je te revois !

— Et bientôt, je l’espère, nous ne nous quitterons plus. Ma tâche touche à sa fin… — Puis, s’interrompant : — Et ta digne femme ?

— J’ai reçu avant-hier de ses nouvelles ; sa santé est bonne, et elle supporte courageusement mon absence. Ah ! Charlotte m’est doublement chère maintenant… car tu ignores…

— Quoi, Jean ?