Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/385

Cette page n’a pas encore été corrigée


MARTIN. — J’étais au passage Dauphine avec une centaine de combattants, réunis autour de la boutique de notre ami Joubert, lorsque Pierre Leroux arrive exaspéré, nous apprend la décision de la Chambre des pairs et celle des députés, appelant d’Orléans à la lieutenance générale du royaume. Il n’y eut qu’un cri de stupeur et de colère. — Chargeons nos armes, c’est à recommencer ! disait-on de toute part, et l’on convient de convoquer le plus tôt possible les plus influents de nos amis chez Lointier pour aviser. Pierre Leroux court à l’Hôtel de Ville, afin d’abjurer La Fayette de tenir ses promesses, de se mettre à la tête du parti républicain et de protester par les armes, s’il le fallait, contre cette intrigue parlementaire, qui prétendait imposer à la France une royauté nouvelle.

JEAN LEBRENN. — J’ai rencontré Pierre Leroux au moment où il venait accomplir sa mission ; je venais d’arriver à l’Hôtel de Ville, où je n’avais pas mis le pied depuis le 9 thermidor.

MARIK. — Alors que tu étais membre du conseil général de la commune, mon père, et que tu faillis monter à l’échafaud comme ces immortels martyrs, les deux Robespierre, Saint-Just, Couthon et Lebas ?

MADAME LEBRENN. — Ah ! mon enfant, sans l’amitié de Billaud-Varenne, ton père augmentait le nombre des milliers de victimes de l’exécrable réaction thermidorienne.

JEAN LEBRENN. — Malheureusement en juillet 1830 comme en thermidor, nos ennemis nous ont gagné de vitesse, et cependant nous avions pour nous le droit et le peuple ; la commune devait, à cette époque, triompher des scélérats de la Convention, de même qu’aujourd’hui l’Hôtel de Ville devait triompher des intrigants du palais Bourbon. Puisse cette nouvelle leçon nous profiter ! Mais avant de revenir à la mission de Pierre Leroux auprès de La Fayette, je veux te citer, mon cher Marik, ce trait de désintéressement populaire, auquel je faisais tout à l’heure allusion. Le jeune Charras, après avoir combattu si vaillamment pendant ces trois jours, monte à l’Hôtel de Ville, et s’adressant à La Fayette : — « Mon général, il y a là, sur la place de Grève, deux cents patriotes qui ne m’ont pas quitté et se sont battus comme de vieux soldats depuis trois jours : quels ordres avez-vous à me donner à leur égard ? — Il faut, mon ami, les engager à retourner chez eux ; ils ont besoin de repos. — Retourner chez eux, mon général ! mais la plupart de ces braves citoyens ne trouveront pas un morceau de pain en rentrant ! — s’écrie Charras. — En ce cas, on va leur distribuer cent sous par