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JEAN LEBRENN. — Et vive la république !

TOUS. — Vive la république ! Aux barricades ! aux barricades !

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La scène suivante se passe le 31 juillet, dans la chambre de Marik Lebrenn, grièvement blessé, le 28 juillet, en défendant avec son père, ses amis et grand nombre d’ouvriers de la rue Saint-Denis, la barricade élevée, du 27 au 28, à peu de distance de la maison paternelle. Marik Lebrenn a eu le bras cassé par une balle ; cette blessure, déjà fort grave, s’est compliquée d’une atteinte de tétanos, causée par la chaleur torride qui régnait durant ces journées d’été. Marik, grâce aux soins du docteur Delaberge, ami politique de son père et l’un des héros de juillet, a échappé aux dangers du tétanos, presque toujours mortel ; mais il a, pendant trois jours, été en proie à un violent délire, et sa raison lui est revenue depuis une heure à peine. Sa mère est assise à son chevet, et sa femme, penchée vers le lit, tient encore entre ses bras son petit enfant, qu’elle vient de lui apporter à sa demande, afin de l’embrasser.

MARIK, d’une voix faible. — Ah ! qu’il est doux, en revenant à la vie, de se trouver entre une mère, une femme chérie et d’embrasser son enfant ! Mais mon père, mon père ? vous m’assurez…

MADAME LEBRENN. — Je te jure, mon ami, que ton père n’a pas été blessé. Il est sorti, il y a une heure, afin de se rendre à une dernière réunion chez M. Godefroy Cavaignac.

MARIK. — Et nos amis, Martin, Duresnel, le général Olivier ?

MADAME LEBRENN. — Tu les verras bientôt. Ni le général, ni M. Martin n’ont été blessés ; M. Duresnel l’a été légèrement le 29, mais il est venu ce matin savoir de tes nouvelles.

MARIK. — Et Castillon ? et Duchemin ? 


MADAME LEBRENN, échangeant un regard d’intelligence avec sa fille, qui vient de recoucher son enfant dans son berceau. — Nous n’avons pas encore de nouvelles de Castillon et de Duchemin.

MARIK, avec inquiétude. — Alors, ils doivent être grièvement blessés. Castillon n’aurait pas, sans cela, manqué de venir me voir, car c’est lui qui m’a relevé lorsque je suis tombé dans la barricade.

HÉNORY. — Ils sont probablement restés dans quelque ambulance, mon ami ; mais, de grâce, ne t’alarme pas en vain, tu es encore si faible, une émotion pénible te serait funeste ; le docteur Delaberge nous a surtout recommandé ce matin, dans le cas où tu reprendrais toute ta connaissance, de t’engager à parler peu et d’écarter de ton