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malgré sa profonde aversion pour les Bourbons, leur retour fut accueilli avec espérance. La royauté de 1814, nouvelle usurpation de la souveraineté du peuple, une, indivisible, imprescriptible et inaliénable, consacrait une fois de plus l’iniquité du principe monarchique, contre lequel la minorité républicaine avait en vain protesté, se réservant son droit légitime de conspirer contre lui.

Cependant, si antipathique qu’elle fût au pays, cette restauration semblait du moins offrir quelques garanties à la liberté : ces espérances, ces illusions s’évanouirent promptement. Louis XVIII, les princes de sa famille et leur cour, composée d’émigrés rentrés à la suite de l’étranger, n’avaient, ainsi qu’on l’a depuis répété tant de fois, n’avaient rien appris, rien oublié. Ils dataient toujours d’avant 1789, par leur esprit rétrograde, par leurs tendances forcées vers l’absolutisme, nées de leur foi indestructible en leur pouvoir antérieur et supérieur à celui de la nation ; ils revenaient prendre possession de leur France, de leur sol, de leurs sujets, de même qu’un propriétaire, longtemps absent, revient prendre possession de son domaine patrimonial.

Le 3 mai 1814, Louis XVIII fit son entrée solennelle à Paris, au milieu des princes de sa famille, escorté de la plupart des maréchaux de l’empire, mêlés aux émigrés et aux généraux étrangers : légitime punition de Napoléon ! Il avait dit : C’est avec des hochets qu’on mène les hommes. — Et en vertu de ce sophisme, s’efforçant d’introniser une aristocratie sur le ferme et constant appui de laquelle il comptait, il l’avait comblée de hochets, couronnes princières et ducales, manteaux de cour, panaches et crachats ; qu’advint-il ?… Afin de conserver, sous la restauration, ces hochets si précieux à leur déplorable et ridicule orgueil, la plupart des maréchaux et des grands dignitaires de Napoléon l’abandonnèrent ou le trahirent.

Malgré les trompeuses promesses d’une charte, la plus libérale des constitutions si on la compare au gouvernement impérial, les premières mesures des Bourbons blessèrent profondément le sentiment national par un imbécile retour aux usages de l’ancien régime, ou par d’incessants outrages aux actes de la révolution. Des décrets violant la loi rendirent aux émigrés leurs biens non vendus ; ainsi les emprunts contractés par Louis XVIII en pays étranger, afin de soudoyer la guerre contre la France, furent rangés au nombre des dettes de l’État. Des ordonnances rigoureuses prescrivirent l’observance des fêtes de l’Église et des dimanches ; la censure, malgré les déclarations de la charte, fut maintenue presque aussi rigoureuse