Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée

de retentissement en 1789 ; Gohier, républicain intègre, et Barras, intrigant corrompu. Cambacérès fut placé au ministère de la justice, Quinette à l’intérieur, Talleyrand aux affaires étrangères, Robert Lindet aux finances, Bourdon à la marine, Bernadotte à la guerre, Fouché à la police. Bientôt la situation extérieure de la France changea de face ; les coalisés, d’abord vainqueurs en Hollande, en Italie et en Suisse, furent complètement battus. Brune, dans son admirable campagne de Hollande, acculait à la mer l’armée du duc d’York et le forçait à se rembarquer ; Masséna battait à outrance Korsakoff à Constance et Souwaroff à Zurich. Nos troupes, moins heureuses en Italie, depuis la mort de Joubert, général de la trempe de Hoche et de Marceau, vengeaient leurs premiers échecs et, sous le commandement de Championnet, refoulaient les Autrichiens en Italie. La république était donc victorieuse sur toutes ses frontières peu de temps avant le coup d’État de brumaire : les apologistes de Bonaparte mentent effrontément en osant affirmer, afin d’excuser ce général d’avoir, au mépris de tous les devoirs militaires, abandonné son armée en Égypte « qu’il dut accourir au secours de la France, qui, sans lui, eût été envahie de toutes parts ; » l’on conçoit moins encore l’étrange assurance de Bonaparte à son retour d’Orient, adressant d’un ton de satrape irrité ces reproches au Directoire : « Qu’avez-vous fait de la France, que je vous avais laissée florissante et victorieuse ?… » Jamais, au contraire, depuis thermidor, l’état de la France à l’extérieur et à l’intérieur, n’avait été plus favorable. Les élections de floréal, en immense majorité républicaines, prouvaient la vitalité de la révolution ; pourquoi fallut-il que, malgré tant de leçons terribles, les républicains se divisassent de nouveau en deux partis, l’un jacobin, l’autre constitutionnel ou modéré ? Néanmoins, ils composaient l’immense majorité du conseil des Cinq-Cents, dont Lucien Bonaparte (déplorable choix) était le président. Ce n’est pas tout : de nouveaux complots s’ourdissaient contre la république. Barras, le corrompu, négociait secrètement avec Louis XVIII le retour de la monarchie ; Sieyès, esprit éminent, mais exclusif, absolu et nourri d’abstractions pures, conspirait le renversement de la constitution de l’an III, possédé qu’il était du désir indomptable de tenter sur la France l’expérimentation d’un gouvernement imaginé par lui, système bâtard, régime transitoire entre la république et la monarchie. Ce changement de constitution ne pouvait s’effectuer que par un nouveau coup d’État ; pour l’accomplir, Sieyès devait absolument avoir à sa dévotion un général et quelques régiments. N’osant proposer la complicité