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détresse plus effroyable encore que celle dont la population ouvrière souffrait si cruellement, déterminèrent quelques sections, celles de Popincourt et de Montreuil entre autres, à rendre leurs armes et leurs canons. Ce funeste exemple fut suivi peu à peu, et bientôt les faubourgs, privés des conseils et de l’exemple des patriotes influents, presque tous guillotinés ou incarcérés depuis thermidor, furent complètement désarmés ; tenus en bride par le redoutable frein de la misère, découragés par la stérile issue des journées de germinal et de prairial, ils tombèrent enfin dans une profonde défaillance, sinon excusable, du moins concevable après six ans d’exaltation inouïe, et ainsi le peuple de Paris, lassé et découragé, prépara le facile accomplissement du coup d’État du 18 brumaire, qui devait réaliser la funeste prophétie de Robespierre : LA REPRÉSENTATION NATIONALE, AVILIE, TOMBERA SOUS LE DESPOTISME MILITAIRE.

Les journées de germinal et de prairial, dont le caractère se résume dans ces mots de ralliement des prolétaires : Du pain et la constitution démocratique de 1793 furent la dernière protestation du peuple contre l’usurpation de ses droits et contre sa misère ; ainsi déchu de sa souveraineté, il devait subir passagèrement la domination d’une oligarchie corrompue, et plus tard le joug de fer d’un soldat audacieux. Les thermidoriens usèrent promptement de leur victoire, ils achevèrent d’anéantir le parti républicain. La proscription ou l’échafaud les délivra des derniers patriotes de la Convention. Une commission militaire fut chargée de juger Ruhl, Romme, Goujon, Duquesne, Duroi, Soubrany, Bourbotte, Peyssard, Forestier, Prieur (de la Marne) et Albitte. (Ces deux derniers s’échappèrent.) Accusés d’avoir pris part, dans le sein de l’Assemblée, à l’insurrection de prairial, les montagnards qui se trouvaient sous le coup d’une pareille accusation, au sujet de l’insurrection de germinal, furent traduits devant diverses juridictions. Billaud-Varenne, Barère et Vadier furent renvoyés devant le tribunal criminel de la Charente, et celui du département d’Eure-et-Loir eut à juger Pache, ancien maire de Paris, Xavier Audoin, d’Aubigny, Hassenfratz, Marchand, Héron et Bouchotte, grand patriote qui rendit tant de services à la république comme ministre de la guerre, en 1793-1794. — Ces victimes ne suffirent pas à la haine sanguinaire de la réaction thermidorienne, elle décréta encore d’arrestation les représentants du peuple Robert Lindet, Voulland, Jean Bon Saint-André, Jagot, Élie Lacoste, Lavicomterie, David, le peintre illustre, Prieur (de la Côte-d’Or), Dubarran, Bernard (de Saintes), Massieu, Vassal, Dartygoite, Javogues,