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milieu des injures, des menaces de mort dont l’on l’accable ; mais le silence se rétablit lorsque Tallien se lève, afin de parler.

TALLIEN. — « Citoyens, ce n’est pas en ce moment sur des faits particuliers que je dois porter l’attention de la Convention. Les faits qu’on a dits ont de l’importance, sans doute ; mais il n’est pas dans cette Assemblée un membre qui ne pût en alléguer autant, qui ne pût se plaindre d’un acte tyrannique. C’est sur le discours prononcé hier à la Convention et répété aux Jacobins que j’appelle toute votre attention. C’est là que je rencontre le tyran ; c’est là que je trouve toute la conspiration ; c’est dans ce discours qu’avec la vérité, la justice et la Convention, je veux trouver des armes pour le terrasser, cet homme dont la vertu et le patriotisme étaient tant vantés, mais qu’on avait vu, à l’époque mémorable du 10 août, ne paraître que trois jours après la révolution… »

ROBESPIERRE, indigné. — « C’est faux, je… »

Des vociférations furieuses, parties surtout des bancs supérieurs de la montagne, couvrent de nouveau la voix de Maximilien ; il se retourne vers les montagnards ; il arrête un moment sur eux un regard de douloureux reproche, et semble leur dire : « Quoi ! vous m’avez appuyé aux jours les plus périlleux de la révolution, vous avez acclamé toutes mes mesures ; elles ont sauvé la patrie, la république, et vous m’accusez sans vouloir écouter ma défense ! » Le regard de l’immortel martyr de thermidor est si écrasant, que la plupart des montagnards baissent les yeux ; ils ont passagèrement conscience du crime irréparable qu’ils vont commettre contre la révolution en envoyant le plus illustre de ses derniers défenseurs à l’échafaud ; mais bientôt leur jalousie haineuse les domine de nouveau. Les clameurs redoublent ; Robespierre, haletant, brisé par cette lutte surhumaine qu’il soutient depuis si longtemps afin de se faire entendre, tente un suprême effort, et, du regard, du geste et de la voix, s’adressant tour à tour aux divers côtés de l’Assemblée, il s’écrie : — « Hommes purs de tous les partis, c’est vous que j’invoque ; et non pas les brigands ! »

TALLIEN. — « C’est toi qui es un brigand ! »

VOIX NOMBREUSES. — « À bas le tyran ! »

ROBESPIERRE, se tournant vers Collot-d’Herbois, s’écrie avec un éclat de voix terrible et un accent d’imprécation sublime. — « Pour la dernière fois, je te demande la parole, président d’assassins !! »

À cette foudroyante apostrophe, les vociférations de l’Assemblée redoublent. Tallien brandit son poignard ; les huées, les injures, les
 menaces