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mes premières répugnances se sont évanouies, et ce mariage me satisfait de tous points, parce que je suis assurée que tu épouses le meilleur, le plus honnête des hommes.

— Ah ! si tu savais quel bonheur j’éprouve, bonne mère, en t’entendant parler ainsi ! — répond Charlotte se jetant au cou de madame Desmarais. — Tu le verras : Jean sera pour toi le plus tendre des fils.

— Il le serait, je n’en doute pas, mais, — ajoute madame Desmarais d’une voix altérée, — je ne pourrai être témoin de votre bonheur, chère enfant.

— Ciel ! que veux-tu dire ?

— Écoute-moi, mon enfant, je connais la droiture de ton esprit, la fermeté de ton caractère, aussi je vais te faire un aveu bien grave et bien pénible : ton père m’a incurablement blessée, il a perdu mon estime, mon affection ; il me sera, je le sens, impossible de vivre désormais près de lui.

— Qu’entends-je ?

— Tu as été témoin de la cruauté de sa conduite envers moi, tu as entendu ses dénonciations réitérées à ce magistrat, afin de me faire arrêter comme complice de l’évasion de mon malheureux frère ?

— Hélas ! — répond Charlotte, s’efforçant, malgré sa conviction secrète, d’excuser son père, — c’était un rôle qu’il jouait par nécessité.

— Non, ce n’était pas un rôle, ainsi que j’avais d’abord voulu le croire…

— Peut-être tu t’abuses, ma mère ?

— Je m’abuse ? — répond madame Desmarais avec un sourire navrant ; — sais-tu, pauvre enfant, ce qu’hier soir, après le départ de M. Lebrenn, ton père m’a dit lorsque nous avons été seuls ?

— Que t’a-t-il donc dit ?

« — Madame, retenez bien ceci une fois pour toutes, vous et votre misérable frère, vous avez aujourd’hui failli m’envoyer à la guillotine, et, Dieu veuille que les périls que je redoutais soient