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devant individu royal était sans doute d’une importance considérable, mais en intervertissant l’ordre de ses travaux ou en les interrompant sans motif, avant la comparution de l’accusé, la Convention eût paru presque intimidée de la grandeur de l’acte de justice qu’elle allait promulguer à la face des rois de l’Europe coalisés. La physionomie des diverses fractions composant l’Assemblée offrait des aspects significatifs : les girondins, en majorité fermement dévoués à la république et à la révolution, reconnaissant les crimes de Louis XVI, hésitaient ou reculaient cependant devant la pensée de le condamner à mort ; ils regardaient cette extrémité comme un effrayant défi jeté aux souverains étrangers, qui, dès lors, pousseraient à une guerre d’extermination contre la France. Les girondins ne croyaient pas la France assez forte pour résister à ses implacables ennemis. Condamner Louis XVI à mort, mais surseoir indéfiniment à son exécution, ou bien le condamner à une détention perpétuelle, afin de le garder, ainsi que sa famille, en manière d’otages, dont la vie répondrait de la modération des despotes étrangers, dans leur guerre contre la France, telle était la politique de la gironde, de la droite et d’une notable partie du centre ou marais ; la montagne et la gauche ne voyaient, au contraire, de salut pour la France, pour la révolution, pour la république, que dans la condamnation à mort de Louis Capet. Cette condamnation, légale, légitime, s’il en fut jamais, frappant d’un supplice infamant, non-seulement le roi, mais cette royauté qui, depuis quatorze siècles, tyrannisait la France, exaspérerait sans doute jusqu’à ses dernières limites la fureur des despotes de l’Europe ; mais la furie de la résistance devait égaler, surpasser la furie de l’attaque, car la révolution, ainsi forcée de vaincre ou de mourir, trouverait son salut même dans l’énergie surhumaine que lui imprimerait cette situation désespérée ; sinon la France, n’étant pas surexcitée jusqu’au delà du possible par le délire de l’héroïsme patriotique, serait écrasée par le nombre, succomberait sous les coups de ses formidables adversaires, que la clémence de la nation envers Louis XVI ne désarmerait