— C’est vrai ; il ne me coûte pas de saluer un officier, il m’en coûte toujours de saluer un commissaire de la Convention auprès des armées, parce que…
— Achève…
— Eh bien, parce que ces gens-là ne sont point militaires… parce que je suis révolté de les voir prendre le pas sur nos généraux ! — répond Olivier avec une animation croissante ; — parce que, enfin, si je devenais un jour général…
— Si tu deviens général… que feras-tu, Olivier ?
— Je ne souffrirai jamais qu’un représentant du peuple se permette de m’interroger sur mes plans de campagne ! se mêle de l’organisation de mon corps d’armée, inspecte mes troupes, enfin s’arroge le droit de me surveiller… tranchons le mot, de m’espionner incessamment ! puis, selon son caprice, de me destituer, de m’envoyer devant le tribunal révolutionnaire, à qui j’aurais à disputer ma tête… Non, non, cent fois non ! je briserais plutôt mon épée ! — s’écrie Olivier avec un redoublement de hauteur, de dédain et de révolte. — Nulle autorité ne doit primer celle du général dans son armée ! Cette autorité doit être unique, absolue, obéie sans discussion, quitte à lui de répondre de ses actes… Ses soldats ne doivent entendre qu’une voix, la sienne ! ne connaître qu’un pouvoir, le sien !
— Voilà justement ce que disait l’infâme Dumouriez la veille de sa trahison ! — répond Victoria avec une douloureuse amertume, au moment où Jean Lebrenn et Duchemin entrent dans le vestibule, conduisant prisonniers le jésuite Morlet et son fillot le petit Rodin.