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n’avait pas depuis longtemps de nouvelles, — Olivier ?… Victor ?… — répétait Castillon à part soi… — Est-ce que ce duo, comme dit l’ancien… serait… mais non… quelle idée… est-ce que c’est possible ? La citoyenne Victoria… hussard ?… Et, d’un autre côté, tout le monde sait que, sans parler des deux sœurs, les citoyennes Fernig, autrefois aides de camp de ce brigand de Dumouriez, beaucoup de femmes patriotes ont pris l’habit de soldat et servent dans les régiments… Et puis, enfin, le rapprochement de ces deux noms… Bah ! après tout, il y a plus d’un Victor et d’un Olivier.

Pendant que Castillon se livrait à ces réflexions, Duchemin poursuivait ainsi son récit :

— Pour en revenir à mon brave Rouget, lequel, pendant que je sabrais mon Prussien, empoignait à belles dents son Prussien à quatre pattes, lui, et qui, malgré sa blessure, n’a pas boudé de la journée… avouez que je n’ai pas tant tort de dire que ma bête est patriote à sa façon !

— C’est parbleu vrai, camarade, — répond en riant le capitaine Martin pendant que Castillon continuait de songer à Victor et à Olivier. — Mais qu’a-t-il donc fait, ce brave animal, pour que tu le soupçonnes de connivence avec Pitt et Cobourg ?

— Ce qu’il a fait, le brigand ! vous allez le savoir, camarades. Ce soir, notre batterie prend son poste au bivac : on met les chevaux au piquet comme d’habitude, mais moi, je n’y mets jamais mon gueux de Rouget, je me fie à sa bonne foi. Je le débride… il va de lui-même se placer près de l’affût de Carmagnole, et il ne bouge de là à moins que je ne l’appelle. Donc, cc soir, je délicole mon scélérat ; après lui avoir donné sa provende, je lui dis : « Va te coucher, mon vieux, et sois sage… » Il y va. Moi, je m’en vais faire un tour du côté de la gamelle… Mais quand je reviens à ma pièce, pas plus de Rouget que dessus ma main… absent de l’escadron sans permission… J’appelle, je siffle… je secoue mes charretiers-conducteurs, qui dormaient comme des sabots ; ils n’avaient rien vu, et je me disais :