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disposés en faveur du soldat novice dont ils avaient été tentés d’abord de se moquer.

— Capitaine, — reprend Duresnel, — j’aurais une grâce à vous demander.

— Accordé d’avance, à une condition.


— Laquelle, s’il vous plaît, capitaine ?

— C’est que tu me tutoieras moi et nos camarades, comme nous te tutoyons, c’est toujours un bon signe de confraternité patriotique.

— Eh bien, capitaine, voici la demande que j’ai à t’adresser, — reprend Duresnel : — Je suis maintenant soldat de l’armée de Rhin et Moselle… on se bat demain, et il me semble que je prendrais plus de goût au métier si je savais un peu où nous en sommes de la guerre ?… Sans cela, je serais comme ces gens qui, se prenant à lire un récit en son milieu, n’y comprennent absolument rien… vu qu’ils ignorent son commencement.

— Ce que tu dis là, camarade, est parfaitement juste, — répond le capitaine Martin ; — je vais en deux mots te mettre au fait de cette guerre. Tu n’ignores pas que, surtout depuis la terreur et grâce aux énergiques mesures prises par le comité de salut public, l’ennemi a été sur tous les points refoulé de nos frontières. Ainsi, maîtres des places de Valenciennes et de Condé, bloquant Maubeuge et le Quesnoy, les coalisés assiégeaient Cassel, Hondscoote et Furnes… La France menaçait d’être envahie… Le comité de salut public, en cette terrible extrémité, trancha dans le vif, envoya devant le tribunal révolutionnaire tous les généraux suspects ou girondins, et les remplaça par des généraux montagnards : Jourdan, à l’armée du Nord ; Pichegru, à l’armée du Rhin ; Hoche, à l’armée de la Moselle ; Kellermann, à l’armée des Alpes. Le bon accord de la Convention et des généraux enfante alors des prodiges…

— Tandis qu’au commencement de la guerre, en 1792, — ajoute un volontaire, — La Fayette, Rochambeau, Luckner, généraux royalistes ou constitutionnels, ne pouvant s’entendre avec les girondins