Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/334

Cette page n’a pas encore été corrigée

de faction ; ses camarades, et parmi eux Castillon, étaient réunis dans la grande salle de l’hôtellerie et dans la cuisine, où flambait un bon feu. Le plus grand nombre de ces volontaires parisiens, prenant leur havresac pour oreiller, se reposaient de leurs fatigues, étendus sur une litière de paille fraîche disposée le long des murailles ; d’autres fourbissaient leurs armes ou noircissaient leurs gibernes ; d’autres enfin raccommodaient leurs vêtements délabrés ou s’ingéniaient de leur mieux à rapetasser leurs chaussures, car ni les magasins de l’armée ni les réquisitions en nature ne pouvaient suffire à vêtir, à chausser tous les citoyens appelés sous les drapeaux lors des dernières levées en masse ou à remplacer leurs habits usés à la guerre. Aussi très-peu de volontaires portaient-ils dans son intégrité cet uniforme décrété par arrêt de la Convention et déjà illustré par tant de victoires : — « Habit bleu foncé, parements et retroussis rouges ; revers blancs, dont la large échancrure laissait voir la veste de drap blanc comme la culotte ; grandes guêtres d’estamette noire, à boutons de cuivre, montant au-dessus du genou ; chapeau tricorne, aplati de forme et surmonté d’un panache de crin rouge retombant du côté de la cocarde ; havresac de peau de veau et buffleteries blanches. » — Seuls, les volontaires récemment arrivés au bataillon portaient l’habit décrété par l’ordonnance ; leurs camarades, selon la plus ou moins longue durée de leurs services dans le corps, étaient plus ou moins uniformément et militairement vêtus. L’usure ou la disparité de ses hardes, non moins que ses glorieuses blessures, servaient pour ainsi dire de chevrons au volontaire. Les anciens du bataillon, sauf le tricorne, parfois troué de balles, le sabre et la giberne, n’offraient souvent dans leur accoutrement rien qui rappelât le costume militaire : ceux-ci s’affublaient d’une carmagnole, ceux-là d’une houppelande, d’autres d’une capote grise à collet vert, dépouille d’un prisonnier prussien ; mais malgré cette étrange et parfois grotesque diversité d’habillement, l’on était frappé de la figure martiale de ces soldats citoyens, souvent sillonnée de cicatrices, et l’on ne savait