— Et elle a été, depuis ce temps-là, continuée jusqu’à présent ?
— Oui, sire, et j’ai commencé d’ajouter à cette légende ce qui concerne notre époque.
— Vous consignerez probablement dans cet écrit l’entretien que nous avons en ce moment ensemble, monsieur Lebrenn ?
— Sans doute, puisque, par un hasard étrange que je vous signalais tout à l’heure, sire, voici la troisième fois, depuis quatorze siècles, qu’un descendant de ma famille se rencontre avec l’un des héritiers de la monarchie de Clovis, et cela dans des circonstances…
— Achevez, monsieur Lebrenn. Quelles sont ces circonstances ? vous piquez beaucoup ma curiosité.
— Sire, ces circonstances sont sinistres ; il me serait pénible de vous les rappeler, de vous donner lieu de faire, je vous le répète, un triste rapprochement entre votre position actuelle et celle des princes dont je parle.
— Il y avait donc quelque analogie entre leur position et la mienne ?
— Une analogie complète.
— Eh bien, dites-la, monsieur Lebrenn.
— Vous le voulez, sire ?
— Oui, oui !
— C’était en l’année 738 : l’un de mes aïeux, nommé AMAEL, soldat d’aventure et compagnon de guerre de Karl-Martel, se trouvait en Anjou, au couvent de SAINT-SATURNIN. Mon aïeul avait été chargé par Karl-Martel de garder prisonnier dans le couvent un pauvre enfant âgé de neuf ans…
— Quel était cet enfant ?
— Il s’appelait CHILPÉRIC, était fils unique de Thierry IV, roi fainéant. Cet enfant mourut bientôt ; ainsi s’éteignit dans le dernier rejeton des Mérovingiens… la race de Clovis !
— Ah ! — fit Louis XVI avec amertume et en tressaillant, — votre aïeul a été chargé de la garde du dernier Mérovingien ? et vous êtes,