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—… Tenter du moins d’utiliser les vingt-quatre heures de sursis que, dans une heureuse inspiration, tu as su obtenir de lui, chère sœur… craignant sans doute avec raison un refus, si tu demandais davantage, — reprend Jean Lebrenn. — Je n’ai pas voulu, suivant ton avis, et il était sage, intervenir jusqu’ici en cette pénible circonstance ; mais Olivier a pour moi beaucoup d’affection ; j’ai sur lui de l’influence, son cœur est excellent, son esprit droit, son caractère généreux ; je ferai appel à ses bons sentiments, je m’efforcerai d’exalter son patriotisme naguère encore si ardent, et que n’a pu refroidir sa folle passion… Je prouverai à Olivier qu’il commet un crime contre la république, contre la mère patrie en sacrifiant stérilement, lâchement… sa vie, au lieu de la dévouer au salut du pays menacé par l’étranger. — « Tu ne peux supporter le fardeau de l’existence ? — dirai-je à Olivier, — fais-toi soldat, ainsi que tu m’en as cent fois témoigné le désir, et va te faire tuer vaillamment à la frontière… Ta mort du moins sera glorieuse pour toi et utile à la nation ! » — S’il écoute ma voix, et il l’écoutera, je le crois, il partira désespéré… bien résolu de chercher la mort dans le premier combat ; mais le changement d’habitudes, la vie des camps et son goût naturel pour l’état militaire donneront bientôt, j’en suis presque certain, une autre direction à ses pensées. Il affrontera non moins intrépidement la mort ; mais s’il lui échappe une première fois, ce ne sera plus pour se délivrer de l’obsession d’un fatal amour qu’il bravera les périls… mais pour la gloire !

— Ah ! mon ami, — s’écrie Charlotte, — si cet enfant entend ce noble langage, il est sauvé… Victoria, n’est-ce pas votre avis ?

— Non, — répond la jeune femme après avoir, impassible dans sa morne douleur, écouté les paroles de son frère ; — non, reprit-elle, Olivier refusera de partir. Tous les ressorts de son âme sont en ce moment brisés… il souffre… il ne songe qu’à demander au néant le terme de ses souffrances.

— Ma sœur, que dis-tu ?