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été si déplorables, que je suis indigne d’être votre femme… Une pareille union serait le déshonneur de votre vie et le remords éternel de la mienne…

— À vos yeux, peut-être, il en serait ainsi, mais non aux miens, mademoiselle Victoria… Quel que soit un passé que j’ignore, et dont je n’ai nul souci, vous êtes maintenant pour moi ce qu’il y a au monde de plus digne de respect et d’amour… Cet amour, vous ne pouvez, dites-vous, le partager… je le crois et je ne vous accuse pas… je ne vous blâme pas… Seulement, comme sans vous la vie me serait insupportable, je suis résolu de me tuer, et je me tuerai… voilà tout !

— Mon Dieu ! mon Dieu ! c’est de la démence ! Que voulez-vous donc que je fasse ! je ne vous aime pas d’amour, moi… je ne pourrai jamais vous aimer d’amour… Pourquoi vous obstiner dans cette lutte contre l’impossible, malheureux insensé ?

— Lutter ?… non, non ! mademoiselle Victoria, je ne songe pas à lutter… je me résigne et me tue…

Ces dernières paroles d’Olivier, prononcées, ainsi que les autres, sans emphase, sans amertume et avec une simplicité terrible, ne pouvaient laisser le moindre doute à Victoria sur l’inébranlable résolution de cet infortuné. Elle avait depuis assez longtemps lu au fond de cette âme ouverte et naïve, pour y reconnaître un mélange de douceur ingénue et d’inflexible volonté. L’apprenti, à peine échappé à une mort presque certaine, était de nouveau et plus que jamais déterminé de chercher dans le suicide la fin de ses tourments. Il l’avait dit, et cela était vrai, aucune puissance humaine ne pouvait l’empêcher d’accomplir son dessein. Telle fut la conviction de Victoria… conviction parfaitement juste. La jeune femme, en présence de cette fatalité, se recueille, réfléchit, et, après un long silence, reprend d’une voix solennelle : — Olivier, vous êtes, je n’en puis plus douter, résolu de mourir… Je ne veux pas vous tromper… je ne veux à aucun prix réveiller vos espérances en prenant envers vous quelque engagement que ce soit… Retenez bien ces paroles…