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— Si j’y crois, juste ciel ! j’y crois de toutes les forces de mon âme… j’y crois comme à la lumière du jour ! comme à l’air que je respire !

— Eh bien ! si je vous donne ma parole, si je vous jure sur ce que j’ai de plus sacré en ce monde… la mémoire de ma mère !… Oui, si je vous jure par cette mémoire chérie et vénérée… que je suis indigne d’être votre femme… me croirez-vous, pauvre enfant ?…

À ces mots prononcés par Victoria avec un irrésistible accent de déchirante vérité, Olivier tressaille, et d’abord reste muet de stupeur.

— Si cruel que me soit cet aveu, Olivier, je vous le fais, je dois vous le faire, afin de ne vous laisser aucune illusion, aucune espérance… — Et, répondant à un cri navrant de l’apprenti, Victoria poursuit ainsi d’une voix pénétrante : — En détruisant toutes vos illusions, toutes vos espérances au sujet de votre amour, pauvre cher enfant… je vous offre pour consolation l’attachement le plus dévoué, le plus tendre qu’une mère ait jamais ressenti pour son fils.

Olivier avait jusqu’alors tenu son visage caché entre ses mains, il les laisse tomber sur ses genoux, et attachant sur Victoria un regard dont la froide et sombre résolution la fait trembler, il ne répond rien, se lève avec peine de son siège, et d’un pas chancelant se dirige vers la porte du salon.

Le silence de l’apprenti, l’expression sinistre de ses traits, révélaient un désespoir à la fois si profond, si calme, si déterminé, que Victoria pressent quelque nouveau malheur, s’élance vers Olivier, lui prend la main et s’écrie : — Où allez-vous ?

— Dans ma chambre.

— Que voulez-vous faire ?

— Dormir… je suis fatigué.

— Vous ne resterez pas seul dans votre chambre… Gertrude et moi nous vous veillerons.

— Je ne m’y oppose pas… une nuit est bientôt passée.