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— Charlotte… tu m’effrayes, — dit Jean Lebrenn, allant vivement à la rencontre de sa femme ; — de grâce, explique-toi…

— Viens, viens.

— Citoyenne Lebrenn, avez-vous besoin de nous ? — s’écrie Castillon aussi ému que ses camarades en voyant l’anxiété peinte sur les traits de la jeune femme ; — parlez… nous sommes là… tous… à votre service.

— Merci, mes amis, merci… Hélas ! il n’y a point de remède au malheur dont nous sommes frappés, — répond Charlotte de qui les yeux se remplissent de larmes, et, prenant le bras de son mari, de plus en plus inquiet, elle sort avec lui en toute hâte de l’atelier.

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Pendant que Jean Lebrenn instruisait ses camarades de l’atelier des événements probables de la journée du 31 mai (1793), Victoria, de retour chez son frère vers les neuf heures et demie du soir, était montée dans sa chambre. Elle dépose son luminaire sur la table, devant laquelle elle s’assoit abattue, brisée ; puis, sombre et pensive, elle appuie son front entre ses deux mains. Soudain son regard s’arrête sur une feuille de papier placée en évidence au milieu de sa table, et la jeune femme lit d’abord presque machinalement les lignes suivantes, tracées par Olivier d’une main peu experte encore :

« Mademoiselle.

» En osant vous écrire cette lettre, je mets, pour la première et la dernière fois, à profit le peu que je sais et que je dois à vos bontés. Vous avez eu pitié de moi, pauvre orphelin abandonné, vous avez eu compassion de mon ignorance… grâce à vous, je sais lire… former mes lettres… Merci, mon Dieu ! car au moins j’aurai pu vous écrire… ce que jamais je n’aurais osé vous dire, redoutant votre colère ou votre mépris… Mais à cette heure, qu’ai-je à craindre ?…

» Non, je n’ai plus rien à craindre… et cependant la plume vient