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— Évidemment il me dissimulait la vérité, mon ami. Aussi, craignant de le blesser, n’ai-je pas insisté sur ]a cause réelle de ses chagrins… et, détournant la conversation, j’ai parlé à Olivier de la famille qu’il regrettait. Il saisit avec une sorte d’empressement ce sujet d’entretien ; y voyant sans doute un moyen d’échapper aux nouvelles questions qu’il redoutait de ma part, il me donna donc quelques détails sur ses parents. J’appris ainsi que ses souvenirs les plus lointains remontaient à l’âge de six ou sept ans, il y a environ dix ou onze ans de cela. Il se rappelait que son frère Maurice, portant l’uniforme des gardes françaises, venait souvent chez leur mère, pauvre ouvrière en dentelle…

— Plus de doute ! — s’écrie Jean Lebrenn au comble de l’étonnement. — En interrogeant plus avant mes souvenirs, bien confus, car j’étais alors presque enfant, il mc semble maintenant que le sergent Maurice, que j’ai vu quelquefois à la maison, où il était reçu comme le fiancé de ma sœur, ressemblait en effet à Olivier.

— Aussi, mon ami, quoi d’étonnant à ce que Victoria, retrouvant, pour ainsi dire, Maurice dans son jeune frère, ait cédé malgré elle à la renaissance d’un sentiment qui avait toujours eu et a encore tant d’empire sur elle ? Sentiment étrange… presque fatal, contre lequel en vain Victoria se révolte… pour mille raisons, et entre autres celle de la différence d’âge existant entre elle et Olivier… puisque notre sœur, quoique jeune encore et dans la maturité de sa rare beauté, pourrait cependant être la mère de cet orphelin, qui, je le crains, ressent aussi pour elle un attrait invincible…

— Que dis-tu ?

— Oui… j’oserais presque l’affirmer : la maladie lente qui mine la santé d’Olivier n’a pas d’autre cause qu’un secret et fol amour pour Victoria…

Ces dernières paroles de Charlotte, rapprochées du soudain souvenir de quelques circonstances jusqu’alors en apparence insignifiantes pour lui, portent presque la conviction dans l’esprit de Jean