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— Nous avons dû prendre ici, près de nous, Olivier, depuis qu’il est en proie à cette maladie de langueur qui le rend incapable, malgré son courage, sa bonne volonté, de travailler à l’atelier ; car ce malheureux enfant, miné par une fièvre lente, est dans un état de faiblesse, d’épuisement déplorables…

— Le médecin attribue cette maladie à la croissance ; en effet, Olivier atteint à peine sa dix-huitième année… il a beaucoup grandi en ces derniers temps ; ainsi s’explique son affaiblissement momentané.

— Le médecin, selon moi, se trompe complètement sur la cause de la maladie d’Olivier. Je vais, mon ami, te dire la raison de mon doute à cet égard : tout à l’heure, en revenant de l’atelier, où j’étais allée te demander nos livres de compte afin d’achever de les mettre à jour, je traversais le jardin, j’aperçus Olivier assis sous la tonnelle de charmille : il paraissait plongé dans un morne accablement, son regard était fixe, son pâle visage baigné de larmes ; il ne m’avait pas entendue m’approcher de lui. Il tressaillit en me voyant et s’efforça d’essuyer furtivement ses larmes. En ce moment, ses traits révélaient une souffrance morale si déchirante, que je devinai dès lors que tout n’était pas physique dans sa maladie. Ma compassion pour lui redoubla. « Olivier, lui dis-je en m’asseyant près de lui, la cause de votre maladie n’est pas celle que l’on croit. Vous ressentez depuis longtemps un grand chagrin… vous nous le cachez… c’est mal… Mon mari a pour vous l’affection d’un père, pourquoi ne pas lui confier vos peines ?… » Il a paru aussi surpris qu’affligé de ma pénétration ; ses réponses embarrassées n’étaient pas sincères, il attribuait ses chagrins à l’isolement où il vivait, n’ayant plus de famille…

— Cette réponse m’étonne de la part d’Olivier… souvent ne nous a-t-il pas témoigné de la manière la plus touchante sa vive reconnaissance de nos bontés ? Elles lui faisaient oublier, nous disait-il, le malheur de sa condition d’orphelin.