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« Ami du peuple,

» Est-il vrai ou faux que nous soyons régénérés ?… Est-il vrai ou faux que les leçons que nous venons de recevoir puissent tourner à notre avantage, et que désormais nous réglerons notre conduite en songeant au passé ?

» S’il en est ainsi, nous ne verrons plus les traîtres, les fripons, les intrigants en place. Nos armées ne seront plus commandées par des hommes ignorants, lâches, stupides, ivrognes et sans aucune aptitude à leur état. Nos chefs connaîtront leur devoir, se donneront la peine de voir leurs soldats et s’entoureront des gens de l’art. Alors, les hommes pouvant être respectés, la patrie va jouir d’une liberté indéfinie et d’un bonheur inappréciable.

» Mais le bonheur, la liberté même, nous fuiront sans cesse si le conseil exécutif nomme toujours au hasard aux emplois vacants, si l’intrigue obtient continuellement la préférence. C’est à vous que je m’adresse, incorruptible défenseur des droits sacrés du peuple… Par qui venons-nous d’être trompés ?… Par des intrigants couverts d’un masque patriotique. Dumouriez devait-il être jamais aristocrate ? Quel intérêt pouvait avoir Thouvenot en trahissant son pays ? Cet homme, naguère toiseur de cailloux, est parvenu en six mois au grade de général de brigade. Qu’était au commencement de la guerre Beurnonville, élevé au ministère, non par un roi, mais par la Convention nationale de France ? Voulez-vous que moi, soldat depuis mon enfance, je puisse croire que votre régénération ne soit pas un mot, en voyant Virion chargé par Dumouriez d’arrêter son général, recevoir pour prix de son obéissance aux ordres du traître le grade de colonel de gendarmerie ? Verrai-je accorder à Marolle, parent et ami de Valence, celui d’adjudant général ?… À peine ferait-il un caporal passable. Sommes-nous donc revenus au temps de la noblesse, où la parenté d’un général dispensait de mérite ? Mais poursuivez, vous verrez si les patriotes qui ont les premiers abandonné Dumouriez,