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général, il avait dû (lui Marat) deviner la prochaine défection de ce traître.

«… Enfin, lorsque Dumouriez entre en Belgique, et qu’au lieu de mettre les armes à la main des citoyens contre leurs oppresseurs, il ne cherche qu’a maintenir en place les créatures de l’empereur, et à composer d’aristocrates fieffés, de nobles titrés et du haut clergé l’assemblée des représentants du peuple belge, je ne vis dans Dumouriez qu’un conspirateur vendu au cabinet de Vienne comme à celui de Berlin, — qu’un perfide qui sacrifiait la liberté des Belges à son ambition, — qu’un atroce scélérat qui ferait servir à sa propre élévation les trésors et les armées de la France, — qu’un ambitieux qui vendrait sa patrie pour être duc de Brabant.

» Depuis le supplice du tyran, Dumouriez a porté ses vues plus haut : il veut être souverain de la Belgique et de la Hollande réunies ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Dites, fils de Joël ! en rapprochant cette dénonciation si précise qui précédait de quinze jours ces entretiens dans lesquels Dumouriez avouait audacieusement à Proly, à Pereyra et à Dubuisson qu’il avait eu le projet de se faire reconnaître par l’Autriche chef indépendant de la Belgique, n’est-on pas frappé de la quasi-divination de Marat ? et ne comprend-on pas dès lors l’immense popularité dont jouit l’Ami du Peuple, malgré ses hideux accès de monomanie sanglante ?

Ah ! fils de Joël, la trahison de Dumouriez est un nouvel et effrayant exemple des forfaits que peut rêver l’ambition d’un général victorieux ! et quel terrible instrument d’oppression les troupes peuvent devenir entre ses mains ! Tous les bons esprits sentent plus que jamais que si l’autorité absolue du général sur son armée n’a pas pour contre-poids une autorité civile, investie, au nom de la souveraineté du peuple, d’un pouvoir terrible, respectée des soldats et implacable envers les traîtres, la république, la liberté, risqueront d’être un jour à la merci du sabre d’un soldat audacieux ! 


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