Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/194

Cette page n’a pas encore été corrigée

montagnards va croissant, non pas que les premiers soient hostiles à la république, tant sans faut, beaucoup d’entre eux, au contraire, tels que Vergniaud, Guadet, etc., etc., sont foncièrement républicains ; mais voulant la fin, ils ne veulent pas les moyens. Ils ont en horreur les mesures révolutionnaires ou dictatoriales indispensables en temps de crise ; ils sont avant tout hommes de liberté, hommes de gouvernement légal, paisible et régulier, vrais Athéniens épris des fleurs du beau langage, policés, lettrés, aimant le luxe et les plaisirs ; ils sont de plus en partie fédéralistes, et, en vrais provinciaux, la suprématie politique de Paris les offusque, les révolte ; enfin, soit orgueil, soit conviction, ils prétendent pouvoir seuls rendre la république acceptable et possible, en ne la rendant point effrayante ; ils sont donc persuadés qu’elle sera compromise ou perdue par l’austère rudesse et par l’impitoyable énergie des jacobins. Cependant, entraînés par la force des choses et par le patriotisme exalté de la montagne soutenue par l’opinion des masses, les girondins ont décrété quelques mesures de salut public ; ils les regrettent et tâchent d’énerver la révolution en enfermant les montagnards dans le cercle de la légalité où ils espèrent les étouffer. Enfin, au pis aller, la gironde, si elle se voyait sérieusement menacée, serait, je crois, capable de faire appel aux départements contre Paris.

LE JÉSUITE MORLET. — C’est là justement qu’il faut tendre… et j’ai, je crois, le moyen d’arriver à ce but si désirable, car une guerre fédéraliste, complétant la guerre royaliste et religieuse allumée dans le pays, nous donnerait un jeu superbe… Ah çà ! et les clubs… comment se comportent-ils, cher frère en Jésus-Christ ?

L’ABBÉ ROUX. — Les cordeliers, où nous sommes en majorité, nous autres enragés, commencent d’attaquer Robespierre et les jacobins, qu’ils accusent de modérantisme.

LE JÉSUITE MORLET. — Il faudra bientôt passer à l’accusation de royalisme et de complicité avec Pitt et Cobourg. Ceci vous étonne ? c’est à tort. Plus les accusations sont bêtement atroces… plus elles