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— Oui, par une fatalité étrange, une lutte qu’il a provoquée s’est engagée entre nous, j’ai cru l’avoir tué, il n’était que grièvement blessé ; il est revenu à lui au bout d’une heure ; et lorsque, ce matin, avant le jour, M. de Plouernel a eu complètement repris ses sens et ses forces, je l’ai conduit jusqu’au seuil de notre maison ; le portier, reconnaissant ma voix, a ouvert la porte de la rue à l’émigré… maintenant, que la justice des hommes s’accomplisse si elle doit s’accomplir ! Mais je dis et je le dirai hautement : je ne pouvais dénoncer ou livrer un ennemi vaincu et blessé.

L’avocat Desmarais entre à ce moment dans le salon, en tendant cordialement la main à Jean Lebrenn :

— Bonjour, mon cher ami, mon digne élève, ainsi que je suis si fier de vous appeler ; — puis remettant au jeune artisan un papier qu’il tenait à la main, l’avocat ajoute : — Lisez cela tout haut, mon cher Jean.

Le fiancé de Charlotte lut ce qui suit :

« Citoyen collègue,

» Je vous annonce le mariage de ma fille, Charlotte Desmarais, avec le citoyen Jean Lebrenn, ouvrier serrurier.

» Le serment des deux époux sera reçu par l’officier municipal de la section des piques, le jour où la tête du tyran LOUIS CAPET tombera sur l’échafaud.

» Salut et fraternité.

» Le 12 décembre an Ier de la république, une et indivisible.

» BRUTUS DESMARAIS. »

— C’est le modèle de la circulaire que je viens d’adresser à mes collègues de la Convention, afin de leur faire part de votre mariage avec ma fille, mon cher élève, — ajoute l’avocat d’un air triomphant, et prenant à dessein l’habitude d’appeler Jean Lebrenn son élève, espérant que cette appellation serait d’un bon effet aux yeux des révolutionnaires. — Hein ! que dites-vous de la rédaction de ma circulaire, et surtout de l’époque choisie pour votre mariage ?