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LE JÉSUITE MORLET. — Est-ce moi, oui ou non, qui préside cette délibération ?

LE MARQUIS. — Peste ! mon révérend, il ne vous manque qu’une étrivière pour nous donner la fessée… hi ! hi ! hi !

LE JÉSUITE MORLET. — Et vous la mériteriez particulièrement, marquis. Or, je continue, et j’arrive à ce que les massacres de septembre ont eu pour nous de bon, d’excellent…

L’ÉVÊQUE. — Il m’est impossible d’entendre affirmer de sang-froid que cet abominable carnage…

LE JÉSUITE MORLET. — Le comte disait tout à l’heure qu’en parlant de guerre je parlais de ce dont j’ignorais ; je vous dirai, monseigneur, qu’il ne vous appartient point de qualifier des faits dont vous ignorez. Vous n’assistiez pas aux journées de septembre, et j’y assistais, moi !

LE COMTE ET L’ÉVÊQUE. — Vous ?

LE JÉSUITE MORLET. — Certes, j’y assistais, déguisé en charbonnier, ainsi que mon fillot, déguisé en ramoneur. Oh ! je tiens parole ! Rappelez-vous, comte, ce que je vous disais à souper, il y a quatre ans, la veille de la prise de la Bastille : « Il faut que la bête féroce lèche du sang pour la mettre en rut de carnage. » Eh bien ! il en a été ainsi ; et, pour faire couler ce sang, j’ai retroussé mes manches jusqu’au coude, et à la besogne ! Donc, je reprends et je dis : les massacres de septembre ont eu pour nous ceci de bon, d’excellent, qu’ils ont soulevé en Europe une horreur générale, exaspéré les puissances étrangères, y compris l’Angleterre, jusqu’alors à peu près neutre, et qui va devenir l’âme de la coalition. À Paris même, cet exécrable foyer de la révolution, ces massacres, il faut le dire, considérés en un moment de vertige par la population de toutes les classes comme une mesure de salut public, ces massacres inspirent maintenant une indicible exécration contre les jacobins ; les révolutionnaires mêmes sont divisés en deux camps : les patriotes du 10 août et les septembriseurs, germe précieux de discordes intestines entre ces