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— … Ô indignes représentants de la nation ! ce ne sont point les mensonges, les perfidies, les crimes de Louis XVI et de sa femme qui me révoltent ! Qu’un roi soit corrupteur, accapareur, féroce, faux monnayeur, parjure, escroc, traître ! c’est sa nature. L’animal roi ne fait ainsi que suivre son instinct ; mais c’est vous qui méritez toute notre haine, vous, nos représentants que nous avons choisis pour nous défendre, et qui donnez l’ordre de nous courir sus… et nous préparez les fusillades et les mitraillades de votre garde bourgeoise ! ! »

Ces fragments des journaux révolutionnaires vous montrent, fils de Joël, avec quelle terrible netteté s’était posée la question. L’Assemblée nationale, résolue de recourir à la force pour étouffer, s’il le fallait, dans le sang l’opinion publique qui réclamait la déchéance, voulait conserver, coûte que coûte, le fantôme royal. Le peuple réclamait énergiquement la déchéance, pas décisif vers la république, seule solution logique de cet inextricable chaos ; aussi arriva-t-il que, las de voir son action paralysée par l’aveugle attachement des jacobins à la constitution, il leur manifesta sa volonté dans leur réunion d’hier soir. Voici en peu de mots le résumé de cette séance du club central qui se lie étroitement aux déplorables événements d’aujourd’hui. Mon labeur quotidien accompli, je m’étais, en sortant de mon atelier, rendu au club vers les sept heures du soir avec Victoria. Lorsque nous y sommes arrivés, le citoyen Pouape était à la tribune et annonçait d’une voix émue que la population de Paris, considérant comme un deuil public le décret rendu dans la journée par l’Assemblée nationale (décret relatif aux causes futures de l’abdication), avait spontanément fait fermer les salles de théâtre. Cette mesure, applaudie avec enthousiasme par le peuple des tribunes, fut froidement accueillie des jacobins. Cependant Billaud-Varenne, demandant la parole, flétrit énergiquement la conduite de l’Assemblée, dénonce ses projets homicides, propose qu’il soit au besoin nommé une convention nationale pour juger Louis Capet,