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partis, surexciter les haines incurables, déchaîner peut-être la guerre civile… et cette Assemblée est en majorité composée de gens éclairés ! patriotes ! Grand nombre d’entre eux se sont illustrés lors des admirables travaux de la Constituante ; ils ont acclamé la Déclaration des droits de l’homme, qui portait en ses flancs la république… et à cette heure les voilà qui reculent effarés, épouvantés comme des pygmées devant la grandeur colossale de leur œuvre… le croira-t-on jamais ! Qui l’expliquera jamais, ce mystère incompréhensible ! ! Qui le sondera jamais, ce noir abîme de contradiction !

— Ah ! ma sœur… rappelle-toi ces prophétiques paroles dernièrement prononcées au Club social, par Claude Fauchet, et reproduites par le journal la Bouche de fer (no LVIII) :

« — Le tiers état, en accomplissant la révolution, a cru, en majorité, travailler presque pour lui seul, tout en témoignant, reconnaissons-le, d’un intérêt sincère, mais plus théorique que pratique, pour la masse du peuple ; celui-ci, il est vrai, est déjà civilement, politiquement affranchi par la révolution… C’est un pas immense, qui, cependant, pour être décisif, doit être suivi de l’affranchissement matériel du peuple ; en un mot, de l’avènement du travailleur à la libre possession de l’instrument de travail, en d’autres termes, du capital, grâce à des institutions de crédit démocratiques, à l’aide desquelles le prolétaire des villes et des campagnes puisse enfin échapper à la dépendance, au servage où le réduit encore une mercantile oligarchie à son immense profit ! Or, dans la constitution du vieux monde, pétri d’inégalités, d’iniquités sociales, basé sur le despotisme et sur les privilèges de quelques-uns au détriment de tous, matière corvéable, exploitable à merci, et laissée à dessein dans une ignorance aussi profonde que sa misère, les exploiteurs sont devenus fatalement, par l’irrésistible logique du mal, complices et solidaires les uns des autres ; de sorte que le prêtre a soutenu le roi ; le roi a soutenu le capitaliste et le propriétaire ; il est ainsi advenu qu’attaquer l’autel, c’était attaquer le