Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans leur rudesse, exprimaient le sentiment général, Drouet et son postillon Guillaume, malgré leur patriotisme reconnu, n’obtinrent pas l’ovation populaire qu’ils attendaient sans doute.

Les gardes nationales, au passage du cortège, poussèrent des cris nombreux de : — Vive la constitution ! — Vive le roi constitutionnel ! — Mais ces cris, loin de prouver l’enthousiasme ou le dévouement de la bourgeoisie à la personne de Louis XVI, signifiaient au contraire :

— Ce n’est pas nous qui sommes à vous, beau sire… c’est vous qui êtes à nous… Nous régnerons sous votre nom… Vous vous résignerez, bon gré mal gré, au rôle du soliveau de la fable, parce qu’il nous faut un fantôme de royauté sur le trône, afin d’empêcher la république de le renverser !

La marche du cortège était fermée par le bataillon du faubourg Saint-Antoine, commandé par Santerre. À son aspect, le peuple, jusqu’alors fidèle au majestueux silence qu’il s’imposait, acclame tout d’une voix : — Vive la loi ! Vive la nation !! — cris formidables que ne dominait pas le fracas du tonnerre ; car l’orage éclatait alors sur Paris, et Louis XVI put entendre ces menaçantes acclamations populaires mêlées aux roulements de la foudre, au moment où il rentrait en prisonnier dans le palais de ses pères.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Quoi ! — me disait Victoria, en regagnant notre demeure, — quoi ! tel est l’aveuglement de l’Assemblée dans son égoïsme bourgeois, dans sa défiance du peuple, dans son absurde et folle haine du gouvernement républicain, qu’elle espère et prétend imposer à la France, révolutionnée jusqu’en ses dernières profondeurs, l’autorité de ce misérable roi avili, méprisé même de ses partisans… ce roi convaincu de parjure, de trahison, de complot à l’étranger… ce roi ramené piteusement par le collet comme un lâche déserteur… et cela aux yeux de tout un peuple résolu de faire justice et haussant les épaules de dégoût et de dédain… Quoi ! c’est pour accomplir cette révoltante comédie que l’Assemblée va exaspérer les divisions des