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les paysans de Bretagne faisant cause commune, ont presque ébranlé la toute-puissante monarchie de Louis XIV ? Est-ce qu’enfin ce Code paysan, que les vassaux de la noblesse et du clergé voulaient dès 1675 imposer par la force des armes à leurs seigneurs et à leurs curés, ne contenait pas en germe, en principe, la Déclaration des droits de l’homme de 1789 dont le Code paysan a été le rustique précurseur ?

Victoria me disait ce matin à ce sujet :

— Telle est malheureusement encore l’obscurité de notre histoire au point de vue républicain que nos plus ardents révolutionnaires en sont réduits à invoquer l’exemple de Rome et de Sparte au lieu d’invoquer l’exemple de la vieille Gaule et de montrer par une succession de faits éclatants advenus presque de siècle en siècle, que l’antique tradition républicaine s’est invinciblement perpétuée parmi nous à travers les âges tant elle est incarnée dans l’esprit national dont elle est au fond l’un des caractères indélébiles. Combien des exemples tirés de notre histoire feraient vibrer davantage la fibre populaire presque indifférente aux citations de l’histoire ancienne que le peuple ignore… Voilà pourquoi chaque jour je regrette que notre humble légende plébéienne n’ait pas été publiée pour l’enseignement de nos frères car elle résume pour ainsi dire la tradition républicaine en Gaule depuis les temps antiques jusqu’à nos jours !

Ces réflexions de ma sœur m’ont frappé. Je regrette comme elle, que notre légende soit encore inédite ; mais à cette heure les événements se précipitent tellement qu’ils rendent les théories presque inutiles.

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Hier 25 juin 1791 nous nous sommes rendus, Victoria et moi aux Champs-Élysées vers les six heures du soir afin d’assister l’entrée de Louis XVI dans sa bonne ville de Paris. Le manifeste de ce prince laissé par lui après sa fuite, l’audacieuse et significative