Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur cette fraction de la bourgeoisie nourrie, si cela se peut dire, de la philosophie de Voltaire, de Rousseau et des encyclopédistes. L’observation de Condorcet, s’étonnant à bon droit de ce que l’on cite sans cesse l’exemple des Romains et des Grecs à l’appui des aspirations républicaines de nos jours, m’a d’autant plus frappé, que depuis longtemps il me semblait inexplicable qu’au lieu d’évoquer les antiques souvenirs de Rome et de Sparte, nos grands orateurs populaires ne fissent jamais appel aux souvenirs anciens ou récents de notre histoire nationale, en remontant jusqu’à son berceau ! Est-ce que la constitution primitive de la Gaule, notre mère patrie, n’a pas été pendant des siècles une république fédérative ? Est-ce que cet esprit républicain ne s’est pas perpétué, manifesté par les insurrections soit des Bagaudes, soit des Wagres, à la suite des conquêtes romaines et franques ? et, plus tard, au septième et au huitième siècle, par la révolte des serfs de Normandie ? Est-ce que l’esprit républicain le plus pur n’inspirait pas la lutte des communes contre la royauté au dixième et au onzième siècle ? Est-ce que les grandes cités consulaires et municipales du midi de la France, au douzième et au treizième siècle, n’étaient pas des républiques ? Est-ce qu’au quatorzième siècle la république n’a pas été de fait proclamée par Étienne Marcel, imposant à la royauté la constitution de 1352, constitution bien autrement radicale que celle de 1791 ? Est-ce qu’au quinzième siècle, les États généraux n’ont pas cent fois affirmé la souveraineté de la nation, qui, faisant les rois, pouvait les défaire ou s’en passer ? Est-ce qu’au seizième siècle, lors des guerres civiles de la réforme, les protestants ne se sont pas confédérés en provinces républicaines, à l’instar, disaient-ils, des cantons suisses ? Est-ce qu’enfin, au dix-septième siècle, sous le règne du grand roi, des conspirations nombreuses, entre autres celle du chevalier de Rohan, dont Van-den-Enden était l’âme, n’affirmaient pas la ténacité vivace de l’idée républicaine ? Est-ce qu’elle ne s’est pas encore clairement révélée lors de la grande insurrection où le peuple et