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d’exemple mémorable à la postérité ! Ainsi doit vous parler un homme à qui vous avez d’abord inspiré de la pitié. N’accusez personne de complot contre votre infernale constitution. Le roi n’a pas fait les ordres qu’il a donnés ; moi seul ai tout ordonné. Contre moi seul aiguisez donc vos poignards, et préparez vos poisons. Vous répondez des jours du roi, à tous les rois de l’univers. Si on lui ôte un cheveu de la tête, il ne restera pas pierre sur pierre à Paris. Je connais les chemins, je guiderai les armées étrangères. Adieu, messieurs, je finis sans compliments, mes sentiments vous sont connus.

» Marquis de Bouillé. »...............................

Ces insultes, ces menaces, adressées à la révolution, à la France, au nom de tous les rois de l’univers, par un royaliste confident et complice de Louis XVI, par un général qui, « connaissant, dit-il, les chemins, conduira les armées étrangères jusqu’à Paris, dont il ne restera pas pierre sur pierre, » dévoilaient, avec une impudente et brutale franchise, le plan des souverains coalisés, secrètement d’accord avec la cour ; cependant, tel fut l’incroyable aveuglement de la majorité de l’Assemblée nationale, qu’au lieu de prononcer la déchéance de Louis XVI et de le citer à sa barre, au nom de la déclaration laissée par lui en partant, et complétée par l’insolent et significatif manifeste du marquis de Bouillé, l’Assemblée non-seulement ne permit pas à la minorité républicaine de poser la question de déchéance, mais décréta, le croirez-vous, fils de Joël, « qu’une garde serait donnée au roi à son retour, pour répondre de sa personne, et que les complices de sa fuite seraient interrogés par les commissaires de l’Assemblée, qui entendraient les déclarations de Louis XVI et de la reine. »

L’opinion publique a été, à bon droit, révoltée de ces décrets, qui établissaient cette distinction encore plus inique qu’absurde, et toute à l’avantage de Louis XVI, le principal criminel de qui, cependant, l’on se bornerait respectueusement à entendre les déclarations,