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n’a pas de soldats plus dévoués que les jacobins et les cordeliers ! Ils marchent vaillamment vers le même but par des voies différentes : l’une plus rapide, l’autre plus prudente peut-être… Qu’importe ! L’avenir n’est-il pas à nous ? L’avenir décidera qui se trompe ! Mais le passé vous prouve que cordeliers et jacobins ne peuvent s’égarer que par patriotisme !

Ces sages et conciliantes paroles de Victoria, son émotion, sa beauté, produisent une vive impression sur les tribunes ; leur irritation momentanée s’apaise, et ces cris s’élèvent presque instantanément : — Vivent les jacobins ! — Vivent les cordeliers ! — Vive la nation !

Malgré ce patriotique élan de concorde et de fraternité soulevé par les paroles de Victoria, les jacobins à tort, à grand tort, il est vrai, mais consciencieusement persuadés de la dangereuse inopportunité de la pétition des cordeliers, persistent, à ce sujet, dans leur attitude hostile, et ne dissimulent pas leur impatience lorsque l’orateur du club rival poursuit ainsi la lecture de l’adresse à l’Assemblée nationale :

« — Législateurs ! Nous sommes pénétrés de la vérité de ce principe, que la royauté héréditaire est incompatible avec la liberté des peuples… Nous venons vous demander, vous conjurer, au nom de la patrie, de déclarer que la France n’est plus une monarchie, et qu’elle se constitue en république !… »

Ces derniers mots exaltent à son comble l’irritation des jacobins ; leurs cris, leurs interpellations adressées à l’orateur des cordeliers, couvrent les applaudissements frénétiques des tribunes. Le tumulte devient inexprimable. Le président du club fait longtemps et en vain retentir sa sonnette. Enfin l’orage s’apaise peu à peu, et le président, d’une voix ferme qui domine les dernières rumeurs, dit à l’Assemblée :

« — Citoyens, il me paraît inutile de s’appesantir sur l’objet de la pétition des cordeliers dont vous venez d’entendre la lecture.