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— Oui, la révolution vaincra l’Europe !

— Qu’ils y viennent donc les vetos étrangers ! ! qu’ils y viennent ! — crie un fédéré des tribunes mettant son bonnet rouge à la pointe de son sabre et le brandissant, — vive la nation !

— Vive la nation ! — répète la salle avec un tonnerre d’applaudissements ; puis l’agitation se calme peu à peu.

« — Non, je ne crains pas les rois coalisés, — reprend Robespierre d’un ton de fier dédain ; — mais savez-vous, citoyens, ce qui m’épouvante ? C’est d’entendre nos ennemis parler le même langage que nous… c’est de les entendre acclamer comme nous qu’il faut se rallier pour défendre la constitution… Or, Louis XVI ne compte pas seulement sur l’appui des forces étrangères pour rentrer triomphant et implacable dans son royaume ; il compte aussi sur l’appui d’un puissant parti à l’intérieur qui prend aujourd’hui le masque du patriotisme, et l’Assemblée nationale est complice de ce parti ! »

— Oui, oui ! — crie-t-on avec force dans les tribunes, — l’Assemblée nationale nous trahit !

— Non, non… — s’écrie la majorité des jacobins. — Il faut nous rallier autour de l’Assemblée.

— C’est ce que dit votre adresse aux provinces, — réplique-t-on des tribunes. — Cette adresse, Robespierre la blâme et le peuple aussi !

— Silence dans les tribunes ! — s’écrient les jacobins. — L’Assemblée ne trahit pas ! — elle est fidèle à la constitution — que nous avons juré de défendre.

« — L’Assemblée nationale est complice du parti royaliste de l’intérieur, — reprend et répète Robespierre inflexible et avec un geste affirmatif qui soulève de nouveau les murmures des jacobins. — N’avez-vous pas vu ce matin l’Assemblée, par un lâche et grossier mensonge, déclarer que Louis XVI a été enlevé. Quels sont d’ailleurs les actes de l’Assemblée ? Elle conserve les ministres du